lundi 26 septembre 2011

La perspective géométrique, espace et illusion en peinture

La perspective géométrique, espace et illusion en peinture


La perspective géométrique dresse un pont entre les arts et les sciences de vision. Dans un enjeu illusionniste, ce protocole devient une pierre angulaire de cette représentation. Elle va devenir avec les différents traités et écrits à son propos un argument de la vraisemblance et de la vérité en peinture. Mais avant d’être modélisée, la perspective est expérimentale et balbutiante.

Définition de perspective

Le nom choisi pour la nouvelle discipline est significatif : le mot perspective traduit en grec optiques, qui signifie vision directe ou vision distincte, celle qui, pour la science ancienne, nous dévoile les choses mêmes.

Les versions latines de l’optique d’Euclide, les traités médiévaux sur la vision s'appellent alors perspective et jusqu'à la fin du XVIIe siècle, coexistent avec le terme qui désigne la technique picturale. Pour les distinguer, on oppose simplement la perspective « commune », au « naturel », la perspective artificielle des arts, expression qu'il faut bien traduire par « vision artificielle », car c'est le sens qui fut d'abord le sien pour ceux qui l'inventèrent.

Témoin de son temps et objets d’étude.

Il faut relever le réel souci de concevoir que la perspective est devenue très rapidement au regard de l'histoire de l’art un objet d'étude à part entière. En effet, certains grands historiens d'art comme Francastel ou Panofsky ont développé la possibilité de concevoir la construction d'espaces, comme le moteur de la réforme moderne de la renaissance, il ne s'agit pourtant à certains instant que d'une relecture au travers des compréhensions de la vision de ce qui semble correspondre à cette période-ci de sa propre vision. Connaissant aujourd'hui de façon cartésienne et rationnelle l'ensemble des possibilités de l'optique et du fonctionnement de cette dernière nous percevons souvent certaines caractéristiques de construction d'espaces et de la perspective comme simplement le fait de la possibilité d’une optique telle qu'elle pouvait être perçue par ces artistes de la renaissance.

Les spécificités de l'espace perspectif intègrent les termes d'effets de mentalité ou de visions du monde, comme un phénomène de représentation passager et contingent, défini par exemple par l'histoire sociale.

La perspective comme visée rationnelle de la vision

Ainsi la perspective était-elle porteuse d'une visée rationnelle dépassant les simples exigences du travail de l'artiste. Elle se voulut une vision, et cela signifie qu'elle convoquait au moins de manière implicite l'expérience sensorielle et la compréhension qu'on pouvait en avoir à la renaissance. Sans doute est-ce bien par un procédé géométrique que l'espace à trois dimensions est représenté sur le plan du tableau, et à ce titre que la perspective exigeait de l'artiste une compétence technique particulière ; mais cette qualité désigna la signification de la discipline nouvelle.

Un procédé connu mais non utilisé au moyen-âge

Les auteurs médiévaux disposaient déjà le traité d'une « optique géométrique », mais n'avaient jamais songé à en tirer un parti pictural illusionniste. En revanche, les inventeurs de la perspective pouvaient assigner au procédé le but de produire artificiellement la vision, c'est parce qu'ils avaient affaire, de façon encore particulière partiellement voilée, à une idée neuve de l'expérience visuelle : la vision naturelle devenait pour la première fois susceptible d'être reproduite par l'artifice d'une représentation.

Une scène de l’humanisation

L'humanisation des personnages divins représentés, leur mise en situation au monde, sur la terre, entraîne la représentation des lieux pour situer les actions. À partir du moment où le peintre place parmi les hommes les histoires du légendaire chrétien, il dispose les séquences dans des lieux figurant la réalité du monde perçu. Par ce monde réel, effet de colline de vergers d'activité agraire, de ville en activité, le Christ n'entre plus dans Jérusalem, il entre dans des scènes parmi nous.

La réponse à une peinture figurative

Cette entrée en force de la perspective et du paysage dans la peinture est une des caractéristiques majeures de production des primitifs italiens. Le sujet religieux qui justifie la commande se déroule désormais dans un espace qui est organisé par quelques composants signifiant pour évoquer l'extérieur : arbres, collines, ravins, ruisseaux, village perché dans le lointain.

L'image peint ainsi le figurant, elle s'élargit sur des paysages de colline. Il s'agit de mettre un décor à la représentation des saints personnages et des saintes actions.

L'autre conséquence de cette réforme est la circulation des personnages au sein de cet espace nouvellement défini. Cette peinture est bien maîtrisée par les peintres de la Rome antique, par exemple, et il suffit de se reporter aux fresques de Pompéi pour s'en convaincre et avait été abandonnée, semble-t-il, pendant le long Moyen Âge pour de multiples raisons. Cette localisation, réapparaît dans le style de ces peintres de la fin du XIIIe siècle du début du XIVe siècle dans leur souci de décrire le monde réel et de mettre en images la nouvelle théologie.

Humaniser la figure de Dieu, l’installer au milieu des hommes, c'est donc peindre, en conséquence, la réalité de la terre, la qualité du lieu. Le discours, pour être efficace dans cette nouvelle idéologie d’une église plus près des gens, de montrer que les paraboles du Christ, son enfance ou sa passion, se base en des lieux crédibles et proches de la réalité observée. Peindre des paysages évoquant la réalité du monde conduit à représenter des architectures pouvant abriter les séquences de récits. Les primitifs italiens sont donc confrontés très vite aux rendus des volumes complexes c'est-à-dire de l'architecture.

La lecture et sa représentation coexiste avec la mise en place d'un système optique précis , la perspective.

Les peintres italiens se livrent à un travail systématique visant à définir rigoureusement une perspective linéaire capable d'organiser clairement l’image. Ce travail, lié à l'observation concrète des détails de la nature, va transformer progressivement la surface peinte en « fenêtre ouverte » sur le monde. À nouveau, il ne faut pas simplifier la complexité réelle de ce mouvement qui traverse la période ; il existe de multiples systèmes de perspective et l'on ne peut plus privilégier uniquement Alberti.

Malgré les interprétations diverses qui en sont proposées, linéaire et mathématique, elle constitue effectivement l'appropriation implicite d'un monde soumis à une connaissance quantitative. L'homme du quattrocento dessine l'image d'un monde dont il serait, pour Panofsky, le connaisseur et possesseur avec Dieu. Les hommes d'Italie inventent la forme symbolique d'un mode de pensée, de sentir et d'agir orientée par le souci de l'efficacité rationnelle. On cherche la mesure concrète et matérielle des apparences permettant aux individus d’exercer une action.

La perspective et la construction d’une vision classique

La perspective du XVe et du XVIe siècle est l'intuition que la vision se « démontre » en peinture, les philosophes classiques ont défini le statut de cette peinture visuelle dans son double registre:

  • pictura matérielle destinée à la rétine
  • imago spirituelle projetée dans le monde et dans ses caractères expressifs et représentatifs.

Il n'est pas indifférent que les auteurs d'optique et les philosophes du XVIIe siècle, comme Kepler ou Descartes évoquent le pinceau de lumière ou les tailles-douces au sujet des peintres rétiniens et que les analyses classiques de la perception et de la représentation visuelle sollicite constamment le modèle « du tableau de perspective » pour décrire la nature intangible des images visuelles.

L’invention d’une vérité

La perspective se distingua de ces approximations comme la vérité se distingue de l'erreur. Son invention correspondait, dans l'esprit de ses promoteurs, à la fixation d'une règle exacte et infaillible donnant la juste proportion des diminutions et le sentiment d'un espace unifié parfaitement fidèle à l'expérience visuelle c'est bien cette exactitude qui fit l'objet de la démonstration de Brunelleschi: le miroir qui permet tour à tour devant le baptistère réel et le baptistère peint sans changer de place ni même tourner les yeux, manifestait de façon merveilleuse l'exact de substituts habilités des expériences visuelles.

L’origine Brunelleschi, légende...

L'histoire de la perspective possède comme origine les petits tableaux de Brunelleschi et le dispositif sophistiqué où ils s'inséraient, qui « démontrèrent » pour la première fois la perspective. Ses tableaux furent très tôt perdus, et ce n'est que la description à la fois circonstanciée et lacunaire des biographes qui figurent cette « première fois » mythique de la perspective.

La croyance suivant laquelle les Florentins ont fondé la renaissance sur l'emploi d'un système réaliste de figuration de la perspective tirée de la mathématique d’Euclide et de l'observation attentive des vestiges de l'Antiquité (dépositaire du Grand secret des nombres et de l'harmonie) demeure la base de notre interprétation générale de l'histoire de l'art et de son évolution moderne. Au témoignage de son époque Brunelleschi réalise également, dans les premières années du quattrocento, un merveilleux petit appareil d'optique qui nous rapproche des problèmes de la peinture. Il s'agit de deux petits panneaux où sont représentées les architectures familières à tous les Florentins : le baptistèr, la porte centrale de la cathédrale et le palais de la seigneurie. Ils sont représentés, l'un et l'autre, avec leur cadre de rues et de places constituant autour d’un décor à plans échelonnés. Le caractère expérimental de ces optiques tenait dans le rapport avec les spéculations qui guidaient une esquisse dans l'édification de la coupole. Il s'agit d'un jeu raffiné d'optique, tout un monde imaginaire de rayons et de reflets qui s'offraient au regard des spectateurs. Jeu entre le réel existant et le réel futur.

La perspective centrée: l’homme au centre de toute chose

La perspective centrale, avec son horizon, son point de convergence, ses effets de raccourci saisissant, fut longtemps et lentement approcher dans les ateliers du trecento. Elle ne sort pas tout armée, les expériences de Brunelleschi ou le traité théorique d'Alberti, sont certainement l'aboutissement d'une maturation souterraine et empirique. Aussi aurait-elle pu, et ce fut le cas dans le nord, rester une invention anonyme, comme sont anonymes de façons générales les savoir-faire de l'artisan, du temps et de l'expérience et non du génie. Mais il importait aux humanistes italiens de donner à la perspective un nom de baptême et de faire de sa découverte le moment d'une instauration au terme de laquelle plus rien en peinture ne devrait être comme avant. La perspective était à leurs yeux bien plus qu'un savoir-faire, les premières expériences de la perspective apparaissent comme la résolution parfaite du problème que les peintres ne cessaient de se poser depuis l'époque par déduction: la création de l'espace d'un tableau. Les grands peintres du trecento possédaient déjà, l'idée exprimée plus tard par Alberti, de la peinture comme une « fenêtre ouverte sur l'espace » d'une histoire. Les oeuvres donnent aux figures et aux édifices la stabilité, les raccourcis, l'étagement nécessaire pour créer l'illusion des trois dimensions et appelé le spectateur à se représenter une profondeur par-delà le tableau, comme si la surface de celui-ci avait perdu sa matérialité laissant voire en transparence une scène vivant.

La perspective géométrique centrée, accorde une position centrale à l'homme en tant qu'observateur de la composition. Il devient donc lui-même la meule eut la nature de la réalité nouvelle que le peintre aspire à représenter. Chez Alberti, l'idée que le peintre par l’imitation de la réalité avait l'intérêt d'une mimétique absolue dans la composition peinte. Cette réalité n'est que le développement cartésien et scientifique d'attention du monde extérieur.

Il s'agit pour ces peintres de concevoir un illusionnisme permettant rationnellement du saint personnage non plus simplement comme un motif décoratif (au sens noble de sa définition) mais de le percevoir comme concrètement un moteur de sa sensation. La profondeur et l'illusionnisme donne une matérialité quasi tangible à un certain nombre d'objets.

La perspective comme pouvoir de suggestion

Que la peinture soit une représentation fidèle et directe de la réalité est sans doute le dogme le plus constant de la théorie esthétique de la renaissance.

Elle établi un lien entre la science et la perspective et place une autre hypothèse de perception. Il faut bien comprendre que la construction même de la possibilité d'une relation entre la géométrie et la peinture ramène sa scientificité à quelque chose de supérieure.

Celle-ci était fort simple et son pouvoir de suggestion n'est sans doute pas encore épuisé. l'évidence est constituée pour les auteurs de la renaissance comme la preuve de la vérité perspective, sa base scientifique pour reprendre les termes d'une critique contemporaine favorable à l'idée d'une fidélité naturelle de la perspective, l'image est attachée à une signification pour former un symbole. L'idée que la vision se démontre dans l'intersection de la pyramide visuelle pose sa légitimité dans un concept de la vision historiquement déterminé, où s'affirme le caractère projectif. L’illusion perspective est supposée possible et naturelle que par l'identification de sa causalité : la vision est un pouvoir causal, un processus qui porte ses effets dans l'oeil.

Même dans les premiers temps, la perspective n’est pas ressenti comme une reproduction absolument fidèle du réel. Ses inventeurs étaient parfaitement conscients que l'oeil de la perspective est un oeil artificiel qui simplifie les conditions de la vision vivante. La perspective n'est pas une copie parfaite de l'espace vécu, bien que, certaines règles étant respecté, elle puisse apparaître comme une modélisatio la plus naturelle. Léonard de Vinci sera d'ailleurs un des premiers à décréter de manière précise les insuffisances de la perspective linéaire. L'attention aux propriétés concrètes du visible, à ses valeurs d'aspect en qualité de la lumière que le modèle géométrique de la perspective avait d'abord nié ou mis entre parenthèse n’est pas une récusation de la perspective dans son essence.

La cause sur les mimèsis et la construction d'un espace revient à concevoir une perception de territoire devenant le moteur même de la logique de l’image perspective et coïncide avec celle qui fournit la vision directe.

La perspective, création d’un espace mental...

Au début du quattrocento, il est clair que des recherches sont en cours dans différentes directions, qu'il s'agisse des rapports du plan et de l'élévation d'un édifice où le remaniement pictural et sculptural de la lumière. On ne passe pas brutalement d'un modèle moyenâgeux à un modèle renaissant.

L'importance donnée aux rapports concrets et mesurables qui existent entre des objets en apparence éloignés et étrangers les uns aux autres, la découverte du fait que les lignes ne définissent pas seulement la limite des surfaces continues, et que l'intersection des plans se prolonge se projette dans le vide en lui donnant une forme, constitue évidemment une leçon infiniment précieuse pour les peintres.

Le but des artistes n'est pas de déchiffrer les propriétés contenues dans les choses, mais de créer un système mental de représentation. Le nouveau système est symbolique et mythique autant que mathématique, la découverte des objets est fonction davantage de leurs significations sociale ou pratiques que mathématique. Si l'on admet que l'espace n'est pas une réalité en soi, il faut bien comprendre que, dans son expérience contemplative ou active du monde, l'on introduit à la fois des valeurs positives et des valeurs imaginaires. L'espace de la renaissance n'est pas une sorte de cadre vide déterminé seulement par un réseau géométrique idéal ; il implique la présence d'objets et d'images. Ce double aspect de l'espace est venu fournir des moyens non à la compréhension abstraite d'une réalité théorique mais à l'aménagement d'un nouveau matériel imaginaire.

Un espace sensible

Le nouvel espace plastique de la renaissance n'est pas seulement une forme, il possède une matière qui correspondait à une certaine somme des représentations et des sensations tirées par les artistes des conditions positives de leur existence transformée elle-même, simultanément, par le progrès des techniques.

La mise en place d'un nouvel espace dans la représentation coïncide avec la mise en place d'une nouvelle compréhension de l'espace terrestre réel. Le développement de la géométrie de l'optique, de la quantification du monde, de sa description apporte inexorablement des éléments concrets de figurer de la réalité aux peintres.

Le quattrocento tient l'espace non pas seulement technique mais également figuratif, en inventant à la fois des lieux, des êtres, ou des objets représentatifs d'une certaine interprétation du milieu naturel et social où a vécu l'artiste. On comprend combien une connaissance plus exacte des caractéristiques de l'esprit mythique voir primitif, est précieuse.

Il y a de la part de ces artistes une vraie connaissance, un vrai développement d'une géométrie rationnelle et unitaire de compréhension de l'espace échos d'une compréhension elle-même unitaire du monde.

Le changement de vision du monde, l'humanisme tel qu'on peut le concevoir est simplement une prise de conscience de la part du milieu artistique intellectuel, religieux d'une nouvelle conscience de la réalité. En effet la mise en place d'un nouvel espace coïncide naturellement avec la mise en place d'une nouvelle pensée de la réalité, les peintres ne sont pas les inventeurs d'un nouvel espace mais au contraire des accompagnateurs. En bref l'on ne peut pas concevoir de désengager la peinture de son temps si la perspective et la compréhension spatiale se développe ouvertement dans cette période ce n'est pas simplement en réponse à une demande mais en dialogue. Je veux dire par là que la mise en place d'un ordre visuel idéal, soit intellectuel mental, est la conséquence d'un changement de statut de l'artiste est la conséquence d'un changement de l'image.

Une démonstration empirique

La philosophie du XVIIe siècle est traversée par le paradigme d'une vision perspective, et par là elle répond à l'enthousiasme militant de ces peintres humanistes qui parlaient optique et philosophie et comparaient les tableaux à des « démonstrations ». Si l'histoire de la vision perspective est méconnue, sans doute est-ce d'abord parce qu'elle est déroutante et qu'elle emprunte des chemins de traverse. Elle touche à l'optique géométrique, à la physiologie oculaire, et finit par s'inscrire dans l'histoire des conceptions philosophiques de la perception. On attendrait une science anticipant l'application technique, c'est l’art de la vision qui précède sa conceptualisation géométrique et philosophique. L'idée d'une vision perspective ne sort pas tout armée de l'esprit d'un philosophe cartésien, avec la clarté la distinction requise de ce qui est vraiment évident, elle reste semblablement sur le terrain rugueux de l'arpenteur ou dans les ateliers du peintre et de l'architecte. Comme toutes les grandes découvertes qui à cette époque renouvellent la compréhension de la vision de la caméra obscura à la lunette astronomique, elle ne fut pas démontrée d'abord de façon purement rationnelle mais dans l'exhibition d'un modèle technique ou artisanal.

Nous pouvons souligner à cet instant que ce sont les panneaux de Brunelleschi qui furent peut-être les premiers anticipant un traité de perspective théorique c'est ce que les lunettes de Galilée furent à la dioptrique de Kepler ou de Descartes : une sorte de prototype artisanal.

Perspective et culture visuelle

Images perspectives informent notre culture visuelle. Le système inventé à la renaissance est devenu aujourd'hui une seconde nature perceptive les images obéissant aux mêmes principes projectifs que celui de la perspective centrale du XVe siècle, quelles que soient leurs modes de production (graphiques, photographiques), prolifèrent à l'aire de la reproductibilité technique. Au moment même cependant, où dans une rupture délibérée la peinture moderne s'affranchit de toute inscription obligée dans l'espace illusionniste de la perspective. L'image nous semble si naturellement correspondre à la perception visuelle que nous ne pensons pas qu'il y a dans cette identification une idée déterminée de la vision qui s'est peu à peu construite et dont l'émergence est obscure.

Un concept de la vision de l’ère classique

Que la peinture soit vision, ouverture de scène visible, que la vision soit « peinture » ou, pour mieux dire, « représentation » : ses idées semblent aujourd'hui aller de soi, dans une sorte d'intemporalité confortable, et en ignorant le plus souvent qu'elles nous sont parvenues au terme d'une élaboration conceptuelle qui étalait de la renaissance et de l'âge classique. Illusion de la vision perspective signifie qu'en quelque façon la représentation nous donne le sentiment de voir le tableau, comme si celui-ci s'est laissé dans sa matérialité et quand le contemplant nous avons réellement devant nous des choses visibles s'étageant en profondeur.

Dès lors que celles-ci étaient conçues comme un système purement naturel de représentation, il devenait intéressant de comprendre dans le détail les tâtonnements et les divers procédés mis en oeuvre par les peintres pour construire leur tableau perspective du monde. Leur diversité n'engageait pas de pures et simples options techniques mais témoigner de choix stylistiques et intellectuels dont le repérage apparaissait désormais essentielle à la compréhension des oeuvres.

Erwin Panofsky conteste une projection centrale comme perspective d'un privilège est humaniste. Il en connaît l'existence au moins de principe d'une procédure naturelle épousant les « impressions sensorielles immédiates » improvisant notamment la capacité du champ visuel.



L’impact de l’impression visuelle et les réorientations que vont connaitre les traités sur l’optique au XVIIIe et XIXe siècle vont laisser place à un enjeu de plus en plus subjectif de la vision du monde. La perspective géométrique propose un schéma abstrait encore à la croiser entre un monde pensé de façon théorique et examiné par l’observation. La nature devient l’environnement et la perspective géométrique ne suffit plus à le représenter. L’artiste se doit d’offrir sa vision du monde et l’art d’offrir ses pluralités. Les règles ne se bouleversent pas elles se complètent. La perspective géométrique témoignent de cette pensée où la vraisemblance est toujours perçue comme une vérité adaptée, illusoire.

lundi 19 septembre 2011

Enjeux de la mimèsis dans la valeur de l’oeuvre

Enjeux de la mimèsis dans la valeur de l’oeuvre


Quels sont les enjeux de la mimèsis dans les discours et la critique d’art? Pour la valeur de l’oeuvre la mimèsis ou imitation occupe une place centrale. Quelle valeur à l’imitation dans la finalité de l’oeuvre dans sa réception? Que couvre ce terme de mimèsis?


Un sujet au coeur des écrits et des réflexions sur l’oeuvre

Inscrite au cœur de la plupart des poétiques et des esthétiques, l'imitation est l'une des notions les plus chargées de la pensée des arts. Qu'il s'agisse de la littérature artistique, de l'histoire ou de la théorie des arts et de la philosophie de l'art, il n'est pas d'écrits qui, depuis l'Antiquité, ne l'abordent, ne s'y réfèrent, ou ne la rejettent.

Elle n'a aujourd'hui rien perdu de son actualité. Si l'idée d'une reproduction fidèle de la réalité « telle qu'elle est » – objet, monde, sujet – n'a plus cours, les idées de représentation, puis, très récemment, de fiction ont permis de réinterpréter l'imitation à partir de notre temps.

La mimèsis terme grec, une interprétation, une polarité...

À l'origine était la mimèsis. Ce terme grec, dont « imitation » est une traduction, désigne ce que l'on pourrait appeler une action interprétative. L'imitation ne restitue pas le réel, elle construit une représentation qui produit de la réalité. Nous croyons en cette représentation et lui prêtons un effet de réel.

La fonction cognitive de la mimèsis est, dans cette perspective, évidente. L'exercice inventif qui conduit, par toutes sortes de moyens, à une représentation dotée de réalité, est un vecteur d'intelligibilité tant pour celui qui imite que pour celui qui est en position de récepteur.

La copie n’égale jamais le modèle mais reste un objet sensible

La copie n'égale jamais le modèle, et puisque sa qualité essentielle est l'excellence de la ressemblance à l'Idée, l'œuvre d'art n'a d'autre visée que d'orienter vers cette dernière. Pour donner l'apparence du vrai, l'œuvre d'art est vouée à leurrer le spectateur par le biais d'une imitation illusionniste.

Un caractère falsificateur

Certes, le verdict ne vaut pas pour tous les arts. Si Platon chasse peintres et poètes de son État idéal, il conserve les arts du nombre (qui ont par là un ancrage dans le Vrai) que sont l'architecture et la musique. Il accorde, dans le Phèdre, un statut glorieux à l'Idée de Beauté, dont l'éclat et l'évidence font la force. Il n'en reste pas moins que, en liant certains arts à une imitation dont elle dénonce avec violence le caractère, à ses yeux, erroné, et plus encore, falsificateur, la philosophie platonicienne engage pour de longs siècles la pensée des arts dans une apologie autolégitimatrice.

La rectification aristotélicienne, la mimèsis cognitive comme plaisir, entre reconnaissance et poesis

Aristote ancre, quant à lui, sa conception de la mimèsis dans la cognition, en faisant du plaisir un opérateur et un symptôme de cette activité mentale. La mimèsis nous offre deux types de satisfaction : celle éprouvée à retrouver le modèle dans la copie (la reconnaissance), comme celle que constitue l'habileté à produire des images conformes (la poïèsis). Si l'imitation peut se jouer d'une ressemblance parfaite, elle ne nous piège qu'autant que nous prenons plaisir à la réussite de la copie.

« l'art imite la nature » ne saurait signifier que l'art la copie.

L'adage « l'art imite la nature » ne saurait signifier que l'art la copie. En indexant l'imitation sur le pouvoir de cognition et son aptitude à créer du contentement, Aristote est à l'origine de sa libération. Il écarte le spectre d'un jugement moral, sinon moralisant, et ouvre la voie au refus de la duplication d'un quelconque réel, qui existerait là, à côté de nous, offert à un réalisme esthétique.

Platon comme une mise en tension de la conception aristotélicienne. Vers une doctrine positive de l’imitation

La donne platonicienne est mise en tension par la conception aristotélicienne de la mimèsis. Le souci de la vérité, l'idée d'une responsabilité, n'ont cessé de solliciter les artistes, mais la moralisation que suppose l'illusionnisme, ou le défaut de consistance de la copie, n'ont guère tenu face à l'offensive d'une doctrine positive de l'imitation. Activité symbolisante, cette dernière peut se prévaloir aisément du gain en compréhension qu'elle produit. Les débats d'aujourd'hui sur le statut et la fonction des images dans nos sociétés témoignent encore de la validité de la polarité originaire que nous avons héritée de la Grèce.


La valeur de la mimèsis au XVIIIe siècle

Imitation comme création déplacée

L’imitation a été le fondement de l’art pendant des siècles, l’idée de la création (action d’inventer) n’étant apparue qu’au XIX e siècle.

L’imitation de la nature, la mimésis restreinte et générale, entre nature et antique.

Nous savons déjà que l’imitation de la nature est le fondement de la peinture. Or, analyser des tableaux du XVIII e siècle démontre que la couleur émerge pour s’emparer de la totalité de la toile et « déclare » l’importance de la picturalité dans la production d’un tableau figuratif. Se rejoignent ici les mimésis « restreinte » et « générale ».

En France au XVIII e siècle, ces dernières perpétuaient une tradition artistique héritée de l’Italie et fondée sur l’imitation de la « Nature parfaite » et de l’Antique ».

L’exemplarité des « ouvrages des autres » antique et maître du passé.

Les peintres devaient puiser dans « les fonds de l’Antiquité » pour reprendre l’expression de La Font de Saint Yenne. Diderot, pour sa part les incite à suivre les conseils de l’un des leurs : Antoine Coypel était certainement un homme d’esprit, lorsqu’il dit aux artistes : « Faisons, s’il se peut, que les figures de nos tableaux soient plutôt les modèles vivants des statues antiques, que ces statues les originaux des figures que nous peignons.

L’action de suppléer est implicite dans cette recommandation, tout comme elle l’est dans les propos de de Piles :

«Il faut qu’Il (le peintre) regarde l’Antique comme un Livre qu’on traduit dans une autre Langue, dans laquelle il suffit de bien rapporter le sens & l’esprit, sans s’attacher servilement aux paroles.»

Selon de Piles, en copiant les œuvres des grands maîtres, les artistes doivent « s’imaginer que leurs tableaux sont la nature ». Néanmoins, le choix est décisif, car si, « copier n’est rien, choisir c’est tout » aux dires de Marmontel. Dans le même ordre d’idées, une auteure anonyme écrivait dans sa critique du Salon de 1785 : « L’art consiste à inventer, choisir & assembler ».

L’invention

L’invention était définie par Liotard comme « la facilité de composer le sujet d’une peinture, d’en faire une esquisse ».Il faut ajouter que De Pile dans « L’idée du Peintre parfait » écrit que « la première partie de la peinture » est la composition qu’il subdivise en deux « L’invention et la Disposition. L’invention trouve seulement les objets du Tableau, & la Disposition les place».

Liotard formule le même point de vue autrement : « Lorsque le peintre guidé par le jugement a inventé toutes les parties qui constituent un tableau, il faut ensuite les disposer chacune à leur place, de manière que l’ordonnance d’un sujet de peinture ne puisse être mieux disposée … ». Compte tenu de ces précisions, au XVIII e siècle, la composition aurait été l’élément pictural donnant au peintre la possibilité d’exprimer son originalité, voire d’innover.

Illusion et fiction, la peinture comme poésie

La combinaison de perfections de la nature, la sélection de motifs empruntés à d’autres œuvres, quand ce n’étaient pas des tableaux entiers « faits à la manière de » étaient conseillés dans le but d’embellir », de « perfectionner », voire « d’inventer» la nature. Le peintre à partir d’éléments divers composait l’œuvre, lui donnait sa consistance, mais le faisait-il seulement dans le sens d’une perfection déterminée par le pouvoir de l’homme à imiter la nature? Les motifs prélevés, on peut les comparer aux « matériaux précontraints », sont greffés dans un nouvel ensemble dans lequel l’espace est organisé en fonction des intentions du peintre.Vertu de la mimésis vers un beau idéal

Enfin bref, la mimésis se veut au service du « Vrai » : de la vérité de l’art. L’art du XVIII e siècle était une projection vers un idéal de beauté atteint par l’intermédiaire d’éléments de la nature et de la culture qui s’agencaient comme les pièces d’un casse-tête ou d’un jeu de patience. La « Composition », certains auteurs emploient le mot « Invention », aurait été l ‘élément pictural qui donnait au peintre l’occasion d’exprimer son originalité, historiquement liée au génie et, peut-être d’innover picturalement.

Plaisir et imitation au XVIIIe siècle

Par la poétique l’imitation est un objet de plaisir et dépassement de la pure vraisemblance. Au XVIIIe siècle l’exercice visuel et spirituel généré par l’oeuvre oscille entre un plaisir de coeur et un plaisir d’esprit. Cette double nature de la réception de l’oeuvre et de son sujet se trouve dans ce filtre poétique de la vraisemblance et de la déformation. Principe d’une poétique dans les modalités classiques qui conduisent à émouvoir par une mimèsis poétique.

L’imitation comme objet de plaisir

C’est à l’imitation, cette notion classique cardinale du point de vue du plaisir que fait naître l’acte d’imiter ainsi que ses produits dont les écrits sont susceptibles d’ouvrir sur la conception d’un plaisir proprement esthétique.

L’imitation pour le XVIIIe siècle

La conception d’un plaisir proprement esthétique lié à, c’est-à-dire exigeant, l’imitation en tant que telle, aide à mieux comprendre ce que signifie « Imitation » pour l’âge classique, Lumières y comprises.

Le plaisir comme une constante de l’expérience esthétique, un lien vers le beau

Le plaisir est unanimement reconnu comme composante de l’expérience esthétique, mais dans quelles proportions - par rapport en particulier à ce qu’on appelle l’instruction. L’agrément ou le beau est pour simplicité réduit au sensoriel : ce qui « flatte » l’œil ou l’oreille. L’abbé Trublet avait le sentiment que les choses se passaient ailleurs : « Beau est dit de tout ce qui plaît, lorsque le sentiment de plaisir, quoique reçu par quelque organe du corps, est dans l’âme et non dans cet organe » car « je rapporte à mon corps, explique-t-il, et à certaines parties de mon corps, certains plaisirs et certaines peines. Il y en a d’autres que je n’y rapporte point, quoique ce soit par l’entremise de mon corps que je les éprouve ».

Le lien entre poésie et peinture par la notion de plaisir

C’est à la notion de plaisir, touchant poésie et peinture, que s’est attaché Dubos, non pas d’emblée dans la perspective du lien de celui-ci avec l’imitation mais dans celle, on le sait, du caractère paradoxal de cette espèce de plaisir dont l’intensité est d’autant plus grande que le sujet des ouvrages qui en sont la cause est désagréable, voire franchement affligeant. Comme une réultante des principes empathique de les primitifs. Il en rend compte par l’agitation affective, l’émotion provoquée par ce que représente le poème ou le tableau, puisque le mouvement est agréable en tant que tel à l’âme humaine, foncièrement inquiète et guettée par l’ennui – à condition toutefois de ne pas être excessif et de ne pas dégénérer en souffrance, ce que garantit le caractère fictif de sa cause : le spectateur de tragédies ou de tableaux à sujet pénible reste à distance de ces situations dangereuses.

Le plaisir dans la mise en exergue de la réalité

Ce plaisir n’entretient pas de lien immédiat et privilégie avec l’imitation, laquelle n’est prise en compte par Dubos que dans le cas de la représentation d’objets « qui ne nous auraient point attachés, si nous les avions vu dans la nature » (natures mortes ou animaux par exemple) ou bien, comme on vient de le voir, dans celui d’objets pénibles : elle sert, dans le premier cas, à justifier l’intérêt pris à ces tableaux dans lesquels « l’adresse de l’artisan » fait s’attarder les regards ; dans le second, elle sert à créer la distance par rapport à une situation qui, réelle, serait dangereuse, permettant ainsi, on le sait, d’éprouver sans risque le plaisir de l’émotion.

L’imitation en relation avec le plaisir.

Essence des beaux-arts, l’imitation est aussitôt mise en relation avec le plaisir, mais, quoique l’analyse inscrive bien l’expression générale de « plaisir de l’imitation » – sans rien en dire au demeurant –, elle cherche à préciser la nature de ce plaisir en distinguant le cas des objets agréables et désagréables ; l’agrément de la représentation artistique s’explique donc différemment, en fonction de celui des objets représentés : il est moindre dans le cas des objets agréables, selon la logique de l’idée dubossienne de déperdition ontologique de l’imitation, et celle-ci se voit alors dotée de quelques vertus euphorisantes, afin de compenser cette perte : « plaisir de l’imitation », dans lequel il faut probablement reconnaître l’admiration pour la réussite de l’artiste que mobilise Dubos pour justifier qu’on s’attarde sur des objets d’aussi peu d’intérêt que les natures mortes. Quant à ceux qui « n’exciteraient étant réels que des sentiments tristes ou tumultueux, l’analyse résume celle de Dubos : « Leur imitation est plus agréable que les objets mêmes, parce qu’elle nous place à cette juste distance où nous éprouvons le plaisir de l’émotion sans en ressentir le désordre ».

Le plaisir artistique par la distance de l’émotion avec l’objet représenté

Le plaisir artistique est nettement ici celui d’une émotion qui ne diffère de l’émotion ordinaire qu’en tant que celle-ci met à distance un objet réel. Le plaisir ne trouve de spécificité ni dans la nature de l’émotion dans laquelle il consiste, ni dans la relation qu’il entretient avec l’imitation puisque cette relation, on vient de le voir, diffère selon les objets représentés : agréables ou non.

Logique de l’émotion mais différence entre coeur et esprit

La logique de cette explication oblige l’auteur des Beaux-arts (Batteux) réduits à un même principe à retrouver aussi la thèse de Dubos selon laquelle le plaisir artistique consiste dans l’émotion. Mais il faut bien prendre garde à la distinction qu’a préalablement opérée Batteux entre cœur et esprit. Ces deux facultés interviennent dans l’expérience du plaisir artistique d’une manière différente et, de ce fait, la définition donnée, au chapitre 4 de la deuxième partie , de la « fin » de l’imitation pratiquée dans les beaux-arts : « plaire, remuer, toucher, en un mot le plaisir », ne doit pas être lue comme un simple écho de celle de Dubos. C’en est plutôt un remaniement.

Le coeur est touché par intérêt/ le mouvement comme vecteur du sentiment

C’est le cœur qui est touché, qui aime à être remué, qui envisage les objets du point de vue de l’intérêt, c’est-à-dire « selon les rapports qu’ils ont avec notre avantage propre » ; aussi doit-il « s’intéresser moins aux objets artificiels qu’aux objets naturels », à moins que, comme on vient de le voir, les objets naturels ne soient effrayants, donc capables de provoquer une émotion violente que la représentation artistique viendra tempérer tout en en préservant le plaisir de tout « mélange désagréable ».

L’esprit questionne le beau et non l’agitation

Quant à l’esprit, c’est « sans intérêt » qu’il envisage les objets représentés et ce qui le « flatte » ou lui « plaît », c’est la perfection que ces objets ont en eux-mêmes, c’est-à-dire sans relation immédiate avec un sentiment agréable de notre existence. Aussi est-ce lui qui assure pour ainsi dire les fonctions proprement esthétiques : il est, explique Batteux, « plus satisfait des ouvrages de l’art qui lui offrent le beau, qu’il ne l’est ordinairement de ceux de la nature, qui a toujours quelque chose d’imparfait ». L’esprit a à voir avec le beau (alors que le cœur est sensible au bon),

Vers un principe de perfection

l’artifice et la belle nature dont l’imitation a pour fin de « charmer » : c’et à dire de susciter un plaisir consistant non dans l’agitation affective, mais dans l’accès à une « sphère plus parfaite que celle où nous sommes », propre à étendre et perfectionner les idées d’un esprit qui désire s’élever et s’agrandir.

Le dépassement du récit ordinaire par le récit poétique

Aussi, selon cette logique, l’émotion réelle ne l’emporte-t-elle pas sur celle que provoque la « copie », pour parler comme Dubos : « Quelle différence, s’écrie Batteux, entre l’émotion que produit une histoire ordinaire qui ne nous offre que des exemples imparfaits ou communs, et cette extase que nous cause la poésie lorsqu’elle nous enlève dans ces régions enchantées, où nous trouvons réalisés en quelque sorte les plus beaux fantômes de l’imagination. L’histoire nous fait languir dans une sorte d’esclavage, et dans la poésie notre âme jouit avec complaisance de son élévation et de sa liberté ». De manière fort intéressante ici, la formulation déplace la cause de la jouissance, des beaux fantômes qui émerveillent l’âme aux qualités de l’âme elle-même. L’amour-propre trouve ici à se satisfaire doublement : plaisir aux qualités des objets qui répondent aux désirs de l’esprit et plaisir aux qualités mêmes de cet esprit qui devient l’objet de sa propre jouissance.

Le plaisir vient de l’imitation ou du «portrait» c’est à dire de la comparaison par le spectateur.

Or cette orientation de la réflexion de Batteux sur « le plaisir que causent les arts » s’est fortement manifestée non à propos du plaisir né de la perfection des objets produits par l’imitation de la belle nature mais de celui pris à l’imitation de tout court, de façon générale – présentée il est vrai, d’une manière légèrement restrictive : « Cette imitation est une des principales sources du plaisir que causent les arts ». Imitation s’entend ici comme opération d’imiter, puisque ce n’est pas, je le répète, du caractère agréable ou non de l’objet imité que provient le plaisir du spectateur mais du fait qu’il est en présence d’une imitation, d’un « portrait », selon le lexique classique, lequel appelle, en tant que tel, la comparaison – et c’est de cette dernière opération effectuée par le spectateur que Batteux fait procéder le plaisir artistique : « L’esprit s’exerce dans la comparaison du modèle avec le portrait, et le jugement qu’il en porte fait sur lui une impression d’autant plus agréable qu’elle lui est un témoignage de sa pénétration et de son intelligence ».

L’art comme fonction de représenter de manière artificielle le naturel

L’auteur des Beaux-arts a fortement insisté sur la transposition qui constitue l’activité artistique : la « fonction des arts » est de « transporter les traits qui sont dans la nature et de les présenter dans des objets à qui ils ne sont point naturels ». C’est l’imitation de la belle nature, essence des beaux arts dont la fin, par opposition aux arts nécessaires ou même à l’éloquence et l’architecture, compromises avec l’utilité, est essentiellement le plaisir.

Le plaisir dans la distance, l’exercice spirituel comme objet de la jouissance

Batteux semble toujours soucieux d’insister surtout sur le rôle de l’imitation dans la mise à distance du danger éventuel : « Ainsi, écrit-il, l’imitation est toujours la source de l’agrément ». Elle l’est en effet dans le cas des objets parfaits de la belle nature, comme dans celui des objets désagréables ou du simple « portrait », dit aussi « imitation froide », puisque le spectateur s’y attache en tant qu’acte, appelé à déclencher en lui, au moins, l’exercice minimal de comparaison, déjà capable de satisfaire l’esprit, dans la mesure où celui-ci y devient l’objet de sa propre jouissance.

Le plaisir comme un domaine sensible et intellectuel

Cette notion de plaisir ouvre sur un domaine dont la spécificité consiste à ne se confondre ni avec l’intellectuel ni avec le sensible, tout en ayant à voir avec l’un et l’autre.

L’expression de « plaisir d’apprendre » et de ce que l’on nomme le « plaisir dogmatique » (entendons didactique), pour être discutée (« L’esprit ne saurait jouir deux fois du plaisir d’apprendre la même chose ») et c’est au cœur, capable lui de « jouir deux fois du plaisir de sentir la même émotion », que revient le plaisir artistique, puisque « le plaisir d’apprendre est consommé, dit-il, par le plaisir de savoir ».

Sur l’objet représenté, le père Lamy avait répondu (Bernard) dans les Nouvelles réflexions sur l’art poétique de 1668: « La raison pour laquelle les images sont agréables, c’est que ceux qui considèrent une image prennent plaisir à apprendre et à découvrir par raisonnement quelle chose elle représente ».

Le plaisir lié à la curiosité

Quoique respectant bien l’explication intellectualiste du plaisir pris au raisonnement qui découvre le « plaisir d’apprendre » comme « plaisir de savoir » : l’esprit voit donc avec plaisir satisfaire un de ses besoins, la curiosité, mais ce plaisir, lié au contenu de ce savoir, ne saurait survivre à la reconnaissance de l’objet représenté.

L’image spiritualisée, poétisée

Aussi Lamy poursuit-il en proposant une autre explication, juxtaposée à la première : « Mais outre cette raison, ce plaisir vient apparemment de ce que les hommes, quoique très attachés à leurs sens, ont un certain sentiment naturel qui leur fait préférer ce qui est spirituel aux choses matérielles et qui les oblige par exemple d’estimer davantage que les corps mêmes, l’art avec lequel une personne ingénieuse les représente, d’où vient que toutes ces imitations et des peintures des poètes leur sont plus agréables que les choses mêmes ». L’image, est cristallisée par le travail en elle et la spiritualise, un ordre de réalité supérieur et un sentiment qui saisit les rapports de perfection y trouve satisfaction.

L’imitation vient garantir, à travers le plaisir de la reconnaissance, celui de la perception d’une forme organisatrice, d’un sens. « On doit juger d’une musique comme d’un tableau. Je vois dans celui-ci des traits et des couleurs dont je comprends le sens ; il me flatte, il me touche. Que dirait-on d’un peintre qui se contenterait de jeter sur la toile des traits hardis et des masses de couleurs les plus vives mais sans aucune ressemblance avec quelque objet connu ? »

L’imitation comme un garde fou de la peinture académique.

Interroger l’imitation depuis le point de vue du plaisir permet d’éclairer quelques aspects peu connus des fonctions de cette notion pour un esprit de l’âge classique : elle apparaît ici comme une sorte de garde-fou, ce qui vient préserver contre la menace du chaos, de l’informe ou de ce qui est désigné, dans les arts du langage, comme « frivole », le pur cliquetis verbal, le jeu gratuit qui ne renvoie qu’à lui-même, vertige, folie, le sens d’une forme intelligible. Elle garantit la présence de l’esprit et de l’ordre et il faut probablement y voir, moins l’obstacle absolu à l’émergence de l’idée moderne de création, que le seul moyen, dans un certain contexte historique et idéologique, de penser la production de ces totalités refermées sur leur propre logique, qui ne ressemblent à rien et dont la contemplation suscite de grands plaisirs autres que sensuels.

La mimèsis dans la peinture du XVIIIe siècle se joue sur une reconnaissance technique de la représentation de l’objet mais comme une poursuite de l’évolution de l’oeuvre liée au plaisir qu’elle génère. A ce titre nous pouvons soulevé qu’il y a un glissement et surtout une double nature à l’imitation. La première cognitive est sensorielle et corporelle, mais elle semble correspondre uniquement à la qualité technique du peintre. La seconde spirituelle et plus dogmatique est un pont avec la poésie. Il n’est pas étonnant de voir l’avènement de la peinture d’histoire comme vecteur de sentiment et poursuit du principe de tragédie de la mimèsis aristotélicienne. La vraisemblance en peinture se joue dans un volet poétique d’un déplacement de l’objet entre sa représentation et sa reconnaissance. Le plaisir est multiple mais repose sur un dépassement historique et poétique de sa représentation.


La seconde moitié du XIXe siècle et le XXe, réorientation de la mimèsis

L'artiste ne cherchera bientôt plus qu'en lui-même, dans le rejet des règles, le moyen d'accorder le son et le sens : mystérieux privilège de son génie où travail de l'artifice pour celui qui, convaincu de l'indépassable arbitraire du signe, forge avec la langue, au moyen surtout de la comparaison ou de la métaphore, un texte saturé de sens. Dans les deux cas (disons : le romantisme et le symbolisme), il ne s'agit plus, comme avec l'usage naïf de l'allégorie, d'une correspondance réglée entre le monde et le poème, mais d'une activité propre au langage, qu'il accède magiquement au « surréel » ou qu'il se coupe délibérément de son dehors, rompant avec l'illusion de la représentation. La rupture cette fois est complète : c'en serait fini de ce qu'André Breton qualifiait avec mépris, reprenant un mot de Marcel Duchamp, de peinture « rétinienne » ; l'art n'imite plus, il crée.

La peinture n’est pas vérité

En 1857, Jules Jamin publie un article consacré aux liens entre « la peinture et l’optique équipée. Le sujet n’est pas nouveau mais avec la montée pour l’intérêt de la physiologie une réflexion esthétique devient de plus en plus sensible à la dynamique de la perception à la densité corporelle.» L’auteur conteste l’ambition du naturalisme. En se reposant sur la récente mise au point du photomètre il va démontrer la puissance « naturelle » de la peinture à rivaliser avec le réel. La conclusion tombe comme un couperet : « non la peinture n’est pas la vérité, le réalisme est un but qui ne faut pas chercher, parce qu’on ne peut l’atteindre. » 15 ans plus tard avec impression, soleil levant Monet présente un paysage où l’ambiance lumineuse est portée par le contraste simultané. Les formes s’estompent dans la densité matérielle de la lumière avec à terme l’objectif de créer une vaste surface incandescente ou la viendrait goûter l’ivresse rétinienne de l’éblouissement, tel un vis-à-vis frontal avec le soleil dans le débordement de la sensation et le fantasme d’une clarté absolue. La peinture s’affranchit de la finitude du contour pour la béance du regard ébloui c’est ce qui se qualifiait en 1904 d’une tentation abstractionniste de l’impressionnisme.

L’innocence de l’oeil

L’impressionnisme français, proclamant « l’innocence de l’oeil » et la réduction facteur subjective au strict minimum, présentera la sensation esthétique du peintre sur le modèle de la photographie : comme l’inscription d’une impression visuelle sur un écran intérieur, puis sur la toile, comme un processus de traduction mimétique aussi fidèle et immédiate que possible une perception du tableau. Nul arrangement, nul pouvoir démiurgique de l’oeil du peintre ne sont censés s’interposées entre le tableau du peintre et la réalité.

Les couleurs comme objet de la vision

L’impact du traité des couleurs de Goethe joue sur une anthropologie historique du regard et de la vision. Il ne faut pas oublier que les théories de Goethe sur les couleurs sont en droite ligne d’une tradition antique et médiévale selon laquelle l’optique était d’abord une « sur ce terrain », c’est-à-dire qu’elle « se donnait la vision et le visible en un couple indissociable complémentaire. La lumière et les couleurs étaient toujours définies en temps qu’elle s’était objet de la vision. L’optique s’étendait comme science de la vision et non comme science de la lumière».

L’observateur moderne se trouve alors face à une « expérience de la lumière coupée de tout point de référence stable, de toute source de toutes origines qui pourraient servir de centre la constitution et à l’appréhension du vrai (...) La vision serait définie comme la faculté d’éprouver des sensations qui ne sont pas nécessairement liées à un référent »

La lisibilité de l’objet nuit à la peinture

La conséquence de cette phénoménologie est que par cette réflexion sur une vibration du coloris une totale dissolution du sujet par sa réévaluation impressionniste. Dans une lecture à rebours, la lisibilité de l’objet nuit à l’efficacité vise la peinture ; le peintre doit donc se libérer le coloris du dessin pour capturer l’attention d’un oeil avide de formes libres, non déterminée, propice à un déploiement l’émotion de la puissance extatique de « l’éclat ».

Perte du sens mimétique de la couleur impressionniste

À l’époque impressionniste, la couleur cesse d’être fonction de la lumière : c’est la lumière qui devient fonction de la couleur. Le rôle « mimétique » de la couleur perd son importance par rapport à sa valeur expressive et à son rôle primordial dans l’organisation et la construction du tableau. La lumière devient alors ambivalente avec la couleur et sont traitées à la fois comme des réalités naturelles comme des abstractions intellectuelles.

Lumière et couleur comme nature et symbole

L’idée que la lumière et les couleurs sont à la fois un langage, la nature et une symbolique, parlant à la fois au sens et à l’intellect, s’adressant au corps autant qu’à l’esprit, c’est-à-dire, en somme un être humain tout entier, Goethe l’exprimait dans les premières pages la théorie des couleurs, traité dans la peinture avait été l’inspiration secrète - devenir un texte de source l’abstraction colorée.

Objet transfiguré et rupture de la mimésis le XXe

La peinture se fait écho des changements, elle n’est plus une permanence d’un objet visuel transposé mais subjectivement transfiguré. La rupture de la mimésis n’est donc pas une révolution, elle est simplement une conséquence inhérente au tableau depuis le XVe siècle, un trompe-l’oeil se reposant sur la définition du monde par la société qui le produit à fin qu’il soit le plus efficace pour toucher son observateur contemporain. La peinture n’est pas alors qu’un miroir des connaissances dans un souci de vraisemblance, elle est un miroir sociologique. Dès l’origine les artistes, les théoriciens et les spectateurs ont conscience d’un élément : l’harmonie naturelle ne sont pas les mêmes que l’harmonie artificielle de la peinture qui reste un objet dégagé de la réalité. L’artiste devra tout de même garder un lien avec la mimèsis, point de départ du plaisir et dela fonction de la l’oeuvre dans sa valeur académique.

Du sentiment à la psyché

Aux descriptions objectives va venir s’ajouter un troisième élément que l’on voit petit à petit montée en puissance depuis la moitié du XVIIIe siècle, sous le thème de sentiment ou bien encore de subjectivité ou de la psychologie. La volonté du sentiment de l’objet artistique ne doit pas simplement être dans une vocation de minutie mais doit conduire naturellement un principe quasi d’émerveillement jouant avec la psychologie ou bien encore la subjectivité la culture en bref ce qui définit le regardeur. L’enjeu est absolument fondamental car dans la bascule entre le XIXe et le XXe siècle la peinture dont la caractéristique subjective progresse très grand pas.



La valeur de m’oeuvre repose sur l’imitation ou la représentation du réel. Ces dernière engagent l’oeuvre dans une perspective: Celle que la simple imitation ne nourrit pas le plaisir de l’observation et de l’existence même de l’oeuvre. La vraisemblance comme élément de la mimèsis joue d’une vérité: l’oeuvre propose une artificielle image de la réalité dont l’intérêt est de nourrir une conscience superieure

lundi 12 septembre 2011

La vraisemblance en peinture: un paradoxe?

La vraisemblance en peinture: un paradoxe?

Paradoxe: nm Opinion, fait contraire à la logique ou à la raison.


Au travers du terme de vraisemblance, nous abordons celui de l’imitation et un paradoxe de la peinture. À la fois pour la composition mais aussi pour son jugement.

L’imitation de la nature a été le fondement de l’art pendant des siècles, l’idée de création n’étant apparue qu’au XIXième siècle. Pourtant Platon écrivait déjà dans un passage du Cratyle : «l’essence de la ressemblance c’est la dissemblance » déterminant ainsi le caractère paradoxal inhérent à la mimésis. Le principe d’invention qui va détroner rapidement celui d’imitation peut il remettre en cause la vraisemblance. Des primitifs italiens au peintre du XVIIIe, la vraisemblance et l’imitation vont très vite s’écarter de la simple représentation du monde pour convaincre d’une beauté supérieure. La nature en peinture est donc plus vraie et plus belle que la réalité.


Les primitifs, archéologie de l’imitation

La volonté d’une oeuvre où le spectateur puisse se projeter confère à la peinture de présenter un sujet de plus en plus réel. Pourtant très vite la main et la trace de l’artiste confère à chauqe image du monde une particularité subjective.

XIVe le singe de la nature

Dans cette capacité à représenter le monde une formule très intéressante celle de « singe de la nature » qui apparaît en Italie au début des années 1380 - 1382. Il s'agit de mettre en valeur la capacité mimétique. Cette expression est à la fois positive et négative car le simple mimétisme se joue d’une insuffisance pour évaluer la qualité poétique du peintre.

Imitation

Cela conduit à l'avènement d'une différence où l'application minutieuse et proposer l'essence de la grâce dans l'ouvrage le courtisan de Castiglione nous pouvons lire « la simple touche dupe de pinceau donné avec une telle aisance que la main sans effort ou sans art semble d'elle-même aller au but, accomplir l'attention du peintre » ; l'« excellence » de l'artiste se révèle désormais moins à l'exactitude minutieuse de son travail qu'à sa « grâce », grâce de l'exécution grâce à la représentation.

Evolution humaniste

Cette question de la présence obligatoire du particulier en peinture est au début du XVe siècle l'un des prestiges de la capacité de la peinture car il n'y a pas témoignage plus fort que la surprise et la joie que l'on peut avoir face aux images. Plus qu'une histoire ou une description il s'agit véritablement pour les observateurs, entre autres des objets antiques, d'une « manifestation » ou une « parousie ».


Précision et représentation comme moteur de l’observation

Les détails «naturalistes» exigent une connaissance précise. les travaux de Léonard de Vinci ont ouvert la voie. On a malgré beaucoup de pertes, conserver toutefois les études de plantes.

La représentation de festons et de guirlandes telles que Mantegna l’a pratiquée, connut alors une nouvelle impulsion grâce à ses études botaniques mais également à la redécouverte de l'accès à la Domus Aurea de Néron à Rome. Les décorations murales conservées deviennent le lieu d'étude par excellence pour le genre nouveau des « grotesques ».

Du singe de la nature au singe de l’antique : Mantegna

L'évolution du singe de la nature se fait dans le singe de l'Antiquité. Mantegna est un excellent exemple. Dans cette bascule culturelle et cette volonté historique de l'iconographie la vraisemblance doit accompagner le souci chronologique et quasi archéologique. Les modèles de Mantegna ne sontplus des modèles vivants mais ceux de l'Antiquité, raison pour laquelle Vasari critiquera le style trop dur de Mantegna. Ce dernier passe par une adaptation c'est-à-dire une invention qui laisse place à une rigueur toute personnelle et descriptive. C'est une prise de position est une revendication de son savoir intellectuel qui s'engage dans ses représentations. Dans cette aspiration du « nouvel art de peindre » prôner par Alberti, émouvoir celui qui regarde par le spectacle de la passion humaine dans l'histoire s'engage dans la vraisemblance. La renaissance par la variété élargit le champ thématique des conteurs et approfondis intellectuellement les contenus associés aux divers motifs, anciens et modernes. La vraisemblance s'enrichit d'une nouvelle potentialité de signification. Ce décalage éventuel entre savoir du texte et savoir de l'image créée les conditions pour le prestige de la poétique de l’art et de l'artiste. Entre le XIVe le XVIe siècle l'universalité de la vraisemblance aboutit en résumé à la belle manière.


La peinture «classique»

La conception classique de l’imitation.

La conception classique de l’imitation qui n'est pas la simple copie de la nature. La distinction entre la copie et l’imitation trouve son origine dans la tradition picturale et sert de base et d‘avis pour établir la différence entre la belle manière propre au XVIe siècle et la manière simplement vraie de ses immédiats prédécesseurs. Il s'agit de dépasser la lourdeur du modèle naturel par l'artifice d'un dessin judicieux.


L’aspiration de l’homme pour quelque chose de plus grand.

La justification fondamentale de cette imitation qui ne copie pas tient à la conception métaphysique des rapports entre l'homme et le monde naturel : créé à l'image de Dieu, loin donc d'être fait pour suivre et aimer les choses « inférieures », « l'esprit de l'homme aspire toujours quelque chose de très grands et de très haut ». Cela vaut pour la mimésis picturale : la tendance classicisante qui marque la peinture italienne à l'apogée de la renaissance et la distingue de la fin du XVe siècle s'appuie sur l'idée de la dignité métaphysique de la création artistique. La force de cette pensée idéalisante se retrouve à Venise, où s'exerce l'impact de la peinture du Nord et le prestige de la couleur qui qualifie l'infinie variété des objets naturels. Tout en estimant ainsi que « le devoir du peintre est de représenter par son art toute chose à ce point semblant aux divers objets naturels» et que « le peintre auquel manque cette ressemblance n'est pas un peintre », le penseur de l'époque estime que, pour la figure humaine et son action, il convient de « choisir la forme la plus parfaite (...) Pour corriger les nombreux défauts de la nature » (1557, Venise, Ludovico Dolce). Dès le milieu du XVIe siècle à Venise, suivant les leçons d'Alberti pour concevoir la beauté idéale commune « [...] est une correspondance des membres produits par la nature, débarrassée de l'inconvénient des accidents malheureux » ; il conseillait de corriger dans l'art l'« impuissance de la nature ».



Les XVIe et XVII e

Après un seizième intermédiaire, le XVIIe revient sur une nature plus classique de l’image après les excès maniéristes et baroques.

La situation en Europe une nouvelle donne de l’image

Autour de 1600, nous assistons à une réforme et une rénovation de la peinture. L'Europe est dominée par la question religieuse. La France et les Flandres se remettent à peine d'une longue guerre civile où de nombreuses images ont été détruites. La dernière session du concile de Trente, en 1563, a réaffirmé l'importance des images dans la tradition catholique en leur assignant une fonction bien précise : instruire le peuple chrétien, comme le faisaient les images médiévales. L'église, en train d'accomplir une profonde réforme interne, met en oeuvre une rigoureuse politique artistique : Michel-Ange et le maniérisme, qui affirmait la virtuosité et le pouvoir de création de l'artiste sont condamnés ; la peinture doit revenir un style « pur », hors du temps, propre à exprimer le message religieux. Le cardinal Paleotti, dans son traité de la peinture sacrée en 1582 enjoint au peintre de suivre à la lettre les textes de l'église et les injonctions des clercs pour la composition des oeuvres religieuses, et tente d'interdire la peinture profane.


Le maniérisme italien la bascule vers l’idéalisation, la perfection... De la renaissance à 1580

On applique généralement le terme de "Maniérisme" (de l'italien maniera qui signifie style) à l'art Maniérisme vient de Maniera terme employé depuis la fin du XIVéme et notamment par Vasari dans Les vies (1520-40) pour décrire la peinture de Giotto, sa grâce et son imagination, et plus généralement la manière moderne. Vasari est lui-même un artiste maniériste lorsqu'il passe de ce qu'il appelle "la bella maniera", la belle manière ou le beau style, apogée de la renaissance classique avec Raphaël par exemple à "l'arte di maniera", l'art de manière, l'art de style.

Bien sur il n'y a pas du tout l'idée d'une critique. Vasari sait qu'il y a un apogée avec Raphaël Michel-Ange et Léonard mais les artistes "di maniera" se situent dans la ligne directe et dans l'imitation, la citation des grands artistes. Si bien qu'au bout du compte, le maniérisme est un art du second degré. Montaigne, à la fin du siècle, commentant les formes du d'art du XVIeme siècle dit : "Ils artialisent la nature, nous devrions naturaliser l'art". Montaigne grand écrivain maniériste faisait le bilan du maniérisme tout en appelant à autre chose.

Les caractéristiques de ce style : prendre les deux tableaux de Providoni comme exemple.

la perte de clarté et de cohérence de l'image,

la multiplication des éléments et des plans,

une symbolique complexe qui se réfère à des domaines méconnus aujourd'hui (alchimie, art du blason, langage des fleurs, ...),

le goût prononcé pour un érotisme esthétisant,

la déformation et la torsion des corps,

le goût des schémas sinueux, dont la "figure serpentine" (en S),

la recherche du mouvement,

la modification des proportions des parties du corps,

les contrastes de tons acides et crus,

l'allongement des formes.

La situation à Rome

Mais à Rome, autour de 1600, les arts retrouvent la voie du «docere, movere et delectare » (instruire, émouvoir et plaire). Certains ordres religieux issus de la réforme catholique accordent une importance fondamentale au visuel et à l'émotion : dans ses exercices spirituels, Ignace de Loyola, le fondateur de l'ordre des jésuites, recommande la méditation des images comme voie d'accès privilégié à l'émotion religieuse. Les oratoriens lancent à Rome la nouvelle peinture : là émouvant de Baroche, qui cherche à persuader, avec la sensualité vive du coloris, les formes enveloppantes ou des motifs familiers disposés au premier plan.

Rubens un peintre baroque

L’Adoration, de Pierre Paul Rubens : une structure dynamique de formes qui s’enroulent en spirale autour d’un espace vide : d’éclatantes draperies, un souffle de mouvements éclairés par une flèche de lumière, peints avec une brillante maîtrise émancipée.Le baroque est un style qui naît en Italie à Rome, Mantoue, Venise et Florence à la charnière des XVIe et XVIIe siècles et se répand rapidement dans la plupart des pays d’Europe. Il touche tous les domaines artistiques, sculpture, peinture, littérature, architecture et musique et se caractérise par l’exagération du mouvement, la surcharge décorative, les effets dramatiques, la tension, l’exubérance et de la grandeur parfois pompeuse.

Il poursuit le mouvement artistique de la renaissance, et le classicisme lui succède à partir de la deuxième moitié du XVIIe siècle.

La Renaissance prolongée par l’imagination

A la fin du XVIème, l’art de la Renaissance a pris en Italie, et notamment à Rome et à Florence, une tournure nouvelle depuis déjà plus de cinquante ans : le maniérisme. Tandis que la Renaissance plaçait l’homme au centre de ses préoccupations, le maniérisme glisse vers le sujet, l’individu et cherche à créer des formes nouvelles. Cette tendance est largement reprise et amplifiée par le baroque. Les idées, les pensées, les représentations ont en effet été fortement altérées depuis le début du siècle : la vision d’un monde fini et géocentrique a été mise à mal par Copernic tandis que Luther et la Réforme ont brisé l’unité de l’Eglise et de l’Europe.

C’est donc sur ce terrain mouvant que prend forme le baroque aux environs de 1590, à Rome. Dans une Europe déchirée par les guerres de Religion et un univers dont on a perdu le centre et les limites, le baroque substitue à la stabilité et à l’objectivité de la Renaissance un art du mouvement et des illusions. En réaction à la ligne droite, la courbe devient prédominante, et aux proportions de l’homme de Vitruve répond un art étonnament maîtrisé du trompe-l'oeil.


L’impact des lettrés pour un art poétique

Les lettrés commencent à reconnaître qu'il faut appliquer à la peinture les préceptes poétiques du Tasse, selon l'adage d'Horace « ut pictura poesis » (comme la peinture, la poésie), qui établit une similitude entre la poésie et la peinture. La peinture n'a pas à être une illustration vraie, fidèle de l'histoire, une imitation mécanique, mais une représentation vraisemblable. Agucchi, le conseiller d'Anibal Carrache et le mentor de son élève dominiquin, élabore une théorie du beau idéal qui marque tout le XVIIe siècle classique.


Le clair obscur, raison compositionnelle et vraisemblance

Le clair-obscur qui met en valeur la plasticité des corps dans un effet scénique lors des oeuvres du début du siècle acquiert quasiment dans cette période une dimension métaphysique. Voilons sans interprétation unitaire et humaniste du corps humain tel qu'elle avait créé la renaissance, Caravage un rachat de vérité première du monde des fragments de réalité. Caravage projette des histoires intérieures par des figures absorbées. Loin d'une argumentation persuasive d'un Baroche, d'une conception aristotélicienne de l'histoire où le vrai se prolonge dans la vraisemblance comme chez Carrache, il exalte un ici et maintenant purement terrestres, dont tout ordre rationnel est bannis pour placer l'individu dans l'infini de l'univers que découvre Galilée. C'est le sens de son réalisme.


La sainte famille copie d'après le Caravage.

Ce tableau est une copie d'après Caravage de la sainte famille. De bonne qualité et elle peut nous permettre de comprendre cette logique du panneau privé de sa construction et des réformes à apporter par Caravage.

Le cadrage octroie immédiatement à cette oeuvre un statut privé suivant les règles du petit tableau carré. Présenté dans un espace extrêmement resserré, la Sainte-Famille se trouve mise en scène dans une vraie monstration. Saint Jean-Baptiste enfant au premier plan, sert de figures introductives. Son geste, retenu par Joseph, permet aux spectateurs de progresser dans le petit espace qu'il définit. La lumière n'est pas ici extrême dans son traitement en clair-obscur, mais elle sert à mettre en évidence le corps nu de l'enfant.

L'absence d'espace, sert une focalisation sur le corps. Celui de l'enfant dans une logique émotionnelle revient une nouvelle fois comme l'objet central de la composition pour une logique de l'incarnation. Cet enfant nu n'est pas sans lien avec la peinture flamande. Il est habillé de chair et Saint Jean-Baptiste en le touchant ou en essayant valide comme dernier prophète le miracle de l'incarnation. Nous semblons revenir à de grandes règles de religiosité dans la réalisation de ce panneau.

Un jeu entre réalisme et idéal

Le geste de Joseph donne une certaine spontanéité à cette composition. Mais très rapidement avec la présence de ces petites tablettes en marbre sur laquelle semble être assise la vierge on comprend l'artificialité du réalisme ici convoqué par Caravage. Le geste de l’enfant d'enlacer sa mère propose un rapprochement maternel et filial mais très rapidement on comprend qu'il s'agit plus de sur obtenir d'une chute que de se rapprocher de sa mère de la part de l'enfant. La vierge regard frontal nous invite dans sa fonction de vitrine à regarder cet enfant nu présenté à nous. Cette Sainte-Famille semble donc être une de nativité. Pour le principe décoratif, la Vierge et de Joseph sont mis à contribution formant grâce à leurs vêtements une structure centrifuge qui focalise comme une mandorle l'attention sur Jésus.

Le principe d'attention et d'observation du tableau, se concentre sur la perception du corps du Christ pour correspondre à un renouveau spirituel pictural. Le déhancher provoquant cette nécessité d'appui sur sa mère inscrit Jésus dans un corps sculptural. Nous trouvons ici cette artificialité des postures renaissantes. En se les réappropriant, Le Caravage se met en droite ligne des images pieuses du siècle précédent. Le corps qui nous est présenté ici n'est pas celui d'un simple enfant, il s'agit d'un objet de dévotion dont la fin funeste est connue. Ne peut-on pas y voir un rapprochement avec la scène de l’ecce homo. La logique de l'incarnation convoque la logique de la mortalité du corps du fils de Dieu. Cela peut donc expliquer la mélancolie de la mère, ou encore le geste de Joseph. Il ne s'agit pas d'un corps mais aussi d'une spiritualité assez esthétique qui sont ici représentés par Le Caravage.

On comprend mieux comment en ce début du XVIIe siècle, Caravage se réapproprie les principes de l’art contemporain en convoquant des éléments plus anciens. Avec la Contre-Réforme et un retour à une oeuvre d'instruction empathique, nous trouvons chez Caravage une logique de reconstruction de la vraisembalnce. Proposant par la peinture et un réalisme cru une métaphysique conceptuelle.


Francesco Caïro

Saint Sébastien soigné par Sainte Irène.

Immédiatement la puissance du clair-obscur démontre le lien formel avec Le Caravage. Probablement exécuté au début de l'année 1635, Saint Sébastien soigné par Sainte Irène est un thème très populaire au moment des épidémies de peste qui se succède en ce début du XVIIe siècle en Lombardie et en Vénétie. C'est un sujet de prédilection pour les caravagesques. Cadrage intimiste, poésie nocturne, lumière froide, confrontations ou oppositions de deux visages, du sacré au profane, du féminin ou masculin, simplicité apparente de la composition se répète dans les ateliers. Néanmoins, la beauté du Saint Sébastien après son martyre, le corps renversé voluptueusement alangui, le geste immobile, suspendu, des mains de Sainte Irène, l'écho des deux drapés, des jeux d'ombres et de lumières, l'ambiguïté de la scène, confère à ses toiles une qualité exceptionnelle à laquelle on ne peut qu'être sensible.



Innocenzo Tacconi

déposition de croix.

Artiste proche de Annibal Carrache.

La géométrie stricte des corps du Christ et de la vierge, qui se différencient nettement des deux anges et de la Madeleine, aux visages plus épanouis. Marie Madeleine, par le caractère à la fois précieux de sa chevelure de son profil et par la stabilité monumentale de la pose donne la pleine mesure du vocabulaire bolonais. En ses premières années du XVIIe siècle, le panorama artistique romain est particulièrement contrasté, entre les derniers feux du maniérisme et la maturité de Caravage, ce courant d'idéalisation classique que constitue la carrière de Carrache marquera durablement la peinture.

Dans cette toile on oscille en permanence entre naturalisme et idéalisation: naturalisme de l'anatomie du corps du Christ/idéalisation de sa non pondération ; naturalisme à l'expression des visages de tous ces personnages/idéalisation des postures ; naturalistes des éléments anecdotiques du paysage/idéalisation du principe de composition. On voit se mettre en place cette douceur absolument incroyable et cette logique constructive d'un modèle qui restera dans un équilibre entre volonté de reproduction du monde et capacité de propositions artistiques.


Peinture hollandaise 17e, la confrontation entre naturalisme et idéale.

Rubens est un peintre appartenant à une zone catholique, le large empâtement de ces figures vous propose une absolue idéalisation semblant correspondre au goût physique de l’époque. L’enfant et sa mère extrêmement en chair construise un rendu luxueux où seule la pâte de Rubens semble représenter.

Les corps des deux donateurs présentent des imperfections physiques. Le système faible de la femme lui au travers de son épiderme. L’homme au teint rouge au semble lui aussi maladif. Rubens ne les épargne pas dans un rendu de détail qui joue à la fois sur un portrait strict examen mais aussi sur la qualité première de cette oeuvre : un ex-voto. Oeuvres dont le but est laquelle ils ont par intercession divine ou sainte. Le tableau de Rubens nous montre la capacité de générer au sein d’une manière. Les saints personnages ont effectivement l’humanité incarnée et idéalisée, et l’humanité terrestre des deux donateurs. Il y a un rapprochement entre la figure de l’homme que la figure des saints, mais une barrière ou une frontière semble s’établir quant aux caractéristiques d’idéalisation nécessaire pour la représentation d’un tel sujet. Face à face terrestre et céleste occupe le même espace indéfini, mais leurs caractéristiques physiques les différencient profondément. Nous pourrions en n’exagérant confronter une vierge et son enfant comme étant l’image de la bonne santé, très en chair le teint rouge, les joues roses et images maladives dans ces deux personnes représentées.

Chez Rembrandt, l’artificialité du clair obscur nourrit une humanisation de la sainte famille. Exilés, seuls, le dos tourné à la lumière. Pourtant l’oeuvre donne toute suite l’impression d’une complète artificialité de sa composition et d’un invraisemblance, le dégagement de lumière de l’enfant pourtant dans l’ombre de sa mère.


Le XVIe et le XVIIe pousse le paradoxe de la vraisemblance. Les questionnements de styles, d’école, de source et de représentation, octroient à l’oeuvre une vraisemblance dépassant de loin la simple question de la mimésis.



La XVIIIe siècle

Les règles générales de l’art du XVIIIième siècle en peinture (Testelin, Roger de Piles, La Font de Saint Yenne, Diderot, Jean-Étienne Liotard, C.H. Watelet, etc.) affirment que l’imitation de la nature est l’essence de la peinture. La création artistique va proposer un autre équilibre entre imitation et substitution.



Les auteurs du XVIIIe avancent tous que l’imitation de la nature est « l’essence» de la peinture,. Pourtant l’avènement de figure du grand artiste oppose à ce principe celui de génie. La vraisemblance et l’imitation suivent des règles que le génie se peut de dépasser. Ainsi François Boucher est «indépendant des règles». Le XVIIe doit donc concilier règles de l’art et génie.


L’imitation de la nature est une des clefs de voutes de la formatrion académique et du jugement e l’artiste. Pourtant la notion de génie pose celui d’un don. Diderot disant que le génie est un «don de la nature». La définition du Littré considère qu’un est «ce qui vient de Dieu par la nature.»

Le jugement de la valeur repose sur celle de la technique. La vraisemblance et l’imitation sont le témoignage de l’assiduité de l’artiste à travailler d’après nature. L’une des règles est celle de l’imitation de la nature.


L’imitation de la nature

Nous savons déjà que l’imitation de la nature est le fondement de la peinture. Or l’émergence de la couleur et de la composition démontre l’importance de la picturalité. La mimèsis se trouve alors définit comme double: « restreinte » et « générale ». Cette proposition de Philippe Lacoue-Labarthe, définit la première comme « reduplication de ce qui est donné », la seconde comme « ne reproduit rien de donné mais qui supplée à certains défauts de la nature ».

Cette suppléance se trouve fondamentalement dans la conception de la mimésis et implicitement dans les règles de l’art. En France ces dernières perpétuent la tradition artistique italienne de «la nature parfaite» et l’antique. Nous retrouvons ce terme paradoxale de la belle nature.


Liotard exprime que « la Peinture est le miroir de tout ce que l’univers nous offre de plus beau ». Cette affirmation s’inscrit dans la lignée du classicisme du XVII e siècle qui réduit le concept de la nature à la « belle nature ». Pour sa part, de Piles dans Dissertation sur les plus fameux peintres écrit : « un Peintre qui ne fait que ce qu’il voit n’arrivera jamais â une parfaite imitation». Quand Diderot observe que « la nature moins commune fit sentir l’avantage d’un choix ».

La nature vraie est donc plus belle, la vraisemblance et la mimèsis sont donc un dépassement de la réalité.

Cette vraie nature a une triple vérité suivant Roger de Piles.

En effet, de Piles parle du « Vrai simple » qui est une manifestation fidèle de la nature. Du « Vrai Idéal » qui est atteint par une perfection de différentes perfections réunies et impossibles à trouver dans un seul modèle, et du « Vrai Composé » ou « Parfait » qui résulte du mélange des deux précédents et qui est réalisé dans le but de présenter ce qu’il y a de mieux dans la nature. Or, les « Vrai Idéal » et « Vrai Composé » seraient des produits de la culture, car le choix des éléments impossibles à rencontrer dans un seul modèle suppose des critères de sélection définis par la société. Le peintre du XVIII e siècle devait donc répondre aux normes d’une nature revue par la culture afin d’atteindre le « Vrai ». Cette imitation créatrice incluait les modèles artistiques dont les peintres devaient s’inspirer, c’est-à-dire les ouvrages de l’Antiquité ou ceux de grands maîtres antérieurs ou contemporains.


Le paradoxe de la vraisemblance vient du regard que l’on pose sur elle. L’imitation en peinture est le sujet de sa valeur et de sa qualité. Le discours fait le sujet, c’est ce qui parait indéniable depuis le XIVe. Le paradoxe ne tient pas seulement sur l’image mais sur son jugement.

Quels sont les enjeux de la mimèsis dans la valeur de l’oeuvre ? Comment l’artiste peut proposer une nature à la fois vraie et belle?