lundi 9 janvier 2012

Les primitifs italiens.

Les primitifs italiens.


Dans le cycle consacré à l’art entre Moyen-âge et renaissance, nous débutons l’analyse des collections du musée des Beaux-arts de Tours. Cette collection se compose de panneaux peints provenant majoritairement d’un leg d’Octave Linet en 1963. La possibilité matérielle d’un témoignage de la pratique artistique en Italie au XIVe siècle n’est possible que par la multiplication de telles productions et de leur circulation. La spécificité de la collection du musée est sa possibilité de représenter un certain nombre de foyers italiens de cette période. En effet comme déjà énoncer dans l’introduction, les primitifs italiens ne sont pas une réalité géographique, artistiques et chronologiques. Chaque grande cité italienne développe autour d’atelier et de grande commande des particularités iconographiques et stylistiques. Il faut donc être attentif à l’origine et à la datation des oeuvres. Une attention minutieuse est donc de rigueur pour aborder la composition matérielle et les particularités de ces productions. Ce corpus témoigne d’une période où la signature n’est pas le garant de la qualité de l’oeuvre et de sa reconnaissance, de ce fait les attributions reposent sur une somme de détails.


Historique de la collection.

C'est donc en 1963, que le legs exceptionnel d'Octave Linet, peintre et restaurateur d'origine tourangelle, et grands collectionneurs de primitifs italiens fut réalisé. Les 38 peintures et les 12 sculptures qui appartiennent désormais au musée de Tours avaient d'ailleurs été choisies par le conservateur Boris Lossky à la demande d'Octave Linet. Une partie de cette collection considérable fait du musée l'un des plus riches de France en panneaux de cette école et de cette époque. La campagne de restauration engagée à l'occasion de l'exposition Italie, organisée par l'association des conservateurs des musées de la région centre, doublé d'un patient travail de recherche, a rendu à des œuvres rares tout leur attrait. La nécessité pour la ville d'aménager de nouveaux espaces pour accueillir les legs d’Octave Linet, l'encouragea à faire construire pour l'école des beaux-arts qui, depuis la fin de la guerre, occupait le rez de jardin du musée, un bâtiment digne de son rôle de nouvelles salles pour voir le jour et furent complétés à partir de 1980 par l'ancienne orangerie où sont désormais présentées des expositions temporaires.

Octave Linet s'installe très jeune à Paris afin d'améliorer sa formation de peintre et de restaurateur de tableaux, dès 1888, il exposa la société des Beaux-arts, au salon d'automne, et devient l'ami de Suzanne Valadon, de Max Jacob, et de Raoul Dufy. Collectionneurs avertis et passionnés, proche de Joseph Spiridon qui lui a probablement transmis son goût pour la peinture gothique, il réunit plusieurs centaines de pièces d'époque et de genres variés comme en témoigne une photographie de son appartement. Cette riche collection est vendue à Paris le 23 mars et le 16 mai 1963 au profit de la Croix-Rouge. Cependant en raison des relations amicales qu'entretenait Octave Linet depuis 1936 avec Horace Henion, conservateur du musée des Beaux-arts et ensuite son successeur Boris Lossky, le collectionneur avait pris soin de réserver pour le musée 36 primitifs italiens et flamands ainsi que 12 sculptures médiévales. En l'absence de documents d'archives, plusieurs inconnues subsistent autour de cette collection en particulier, les dates et lieux d'acquisition des oeuvres par Octave Linet.


La restauration des oeuvres, conservation de l’esprit de la collection d’origine.

Une attention particulière a été portée au primitif de la collection Linet de Tours en 1996 dans le cadre de l'exposition Italie. Seules quelques oeuvres avaient fait l'objet de restauration antérieure en 1982, le diptyque Naddo Ceccarelli et la vierge et l'enfant de Giovanni di Paolo et de Cecco di Pietro. Les interventions sur les autres panneaux de cette collection, effectuée sur place, se limitaient depuis 1963 à des refixages ponctuels de soulèvements de la couche picturale.

Les oeuvres présentaient de nombreux repeints, parfois interprétatifs, le plus souvent de la main de Linet, les fonds d'or abondamment revernis, les panneaux agrandis ou rabotés, autant de complexités constatées sur les oeuvres sélectionnées, ont conduit les responsables du service de restauration de Versailles à mettre en place une commission de restauration pour ses peintures sur bois. Présidé par Michel Laclotte et réunissant les spécialistes français des primitifs italiens, elle a suivi, orienté dans les meilleures conditions, le travail des restaurateurs en 1995 et 1996.

Auparavant des examens d'imageries scientifiques, radiographies, photographies en lumière directe, en lumière rasante et en lumière infrarouge avaient été effectué au laboratoire de recherche des musées de France révélant pour la plupart des panneaux des lacunes, des repentirs, des incisions et parfois des attaques parasitaires.

Les choix des restaurations, souvent délicates, portèrent essentiellement sur les zones lacunaires, importantes révêlées par les radiographies et totalement masquées par les repeints de Linet.

Pour la crucifixion du maître de la croix des Piani d’Invrea il a été décidé de retirer les repeints, en particulier ceux qui dissimulaient des agressions anciennes attachées à l'histoire de ce tableau, comme les yeux crevés des chevaux et des soldats du côté du mauvais larron.

Demeure pourtant un souci constant de conserver l'esprit de la collection Linet. C'est pourquoi tous les repeints n’ont pas été systématiquement retirés et pour certains des oeuvres aucune intervention même minimale n'a été décidée. Par ailleurs toutes les oeuvres ont été réencadrées dans le cadre de la collection Linet eux-mêmes restaurés. Ces encadrements du XIXe siècle ou du début de notre siècle, peuvent paraître modestes au regard de certains panneaux de grande qualité, d'autres peuvent quelque peu modifier le sens de l'iconographie. C'est le cas des fragments de grandes compositions, le Joseph d’Arimathie de Nicolo dit Tommaso ou la vierge et l'enfant de Cecco di Pietro que Linet avait pris soin d'encadrer comme des oeuvres à part entière.

L’attribution en question

Avant de traiter les questions d'attribution et d'intervention sur les panneaux de cette collection arrêtons-nous quelques instants sur les notions de même de l'attribution et de l'intérêt scientifique soulevés par les travaux de restauration en 1995 1996. Le manque de documentation quant aux acquisitions par Linet demande que chaque oeuvre soit débattue pour son attribution. Le fonctionnement artisanal et les vicissitudes de l'histoire rend extrêmement fluctuant ces attributions.

De qui est cette oeuvre ? Cette interrogation renferme des questions subsidiaires, quand et où l'œuvre a-t-elle été réalisée ?

Le visiteur dans un musée se contente en lisant le cartel, de recueillir une information attributive. Celui qui, en feuilletant un livre, reconnaît l'image qu'il a déjà vue et dit : «c'est la Joconde de Léonard de Vinci», accomplit une simple remémoration. Mais s'il voit une image ou un tableau qu'il ne connaissait pas et dit : «on croirait un Léonard», il fait une attribution que seul une difficulté sépare de l'attribution savante. En première analyse, si nous laissons provisoirement de côté l'attribution fondée sur un texte ou un document d'archives, « attribué » une oeuvre, la tirant de l'anonymat, soit en lui substituant un nom nouveau (qui peux être un nom de commodité comme maître de...) À l'ancien, exprime à possibilité de reconnaître une oeuvre inconnue grâce à sa ressemblance avec une ou plusieurs des oeuvres connues. C'est l'application d'un mécanisme essentiel de l'esprit humain : on ne peut comprendre quelque chose que si elle comporte au moins une petite part de connues. Cette simple définition permet de saisir le vrai sens d'attribution : opération de mise en relation de plusieurs oeuvres, dans laquelle finalement le nom et la biographie de l'auteur importe moins que sa personnalité spécifique, ses rapports à l'ensemble de la vie artistique. On le voit bien dans ce domaine d'élection de l’attributionnisme des études des primitifs anonymes. Les procédures non moins remarquables ont été mises en oeuvre autour des primitifs italiens ; la sagacité des experts a donné lieu à des réflexions de méthodes que suffisent à rappeler les noms de Morelli ou de son disciple Berenson. Aussi a-t-il paru utile de rappeler dans un tableau quelques exemples spectaculaires ou controversés de regroupement.

Les filtres d'attribution peuvent se grouper. Il peut par exemple convenir qu'une analyse plastique et historique regroupe des productions par écoles, artistes, par période. L'attribution serait alors liée à une pratique académique. La seconde considère le tableau comme un objet et l’interroge sur ses conditions de production et sur ses particularités. Deux écoles surgissent les uns dégagent les significations en se souciant parfois assez peu des particularités matérielles techniques des oeuvres d'art et de leur qualité. Les autres s'acharnent à l'exactitude du classement à la constitution d'une histoire aussi complète voire minutieuse que possible au risque d'apparaître aux yeux des premiers comme des entomologistes satisfaits d'avoir dénombré quelques milliers d'espèces de lépidoptères.

Il reste que la science du connaisseur n'est pas du domaine des sciences exactes. Que l'erreur en ce domaine peut scandaliser. Les variations d'opinion sur le même tableau ont pour corollaire un second sujet d'étonnement : l’oeuvre sans changer la moins du monde de nature, peut changer de valeur en changeant de nom. Le meilleur exemple reste ici au musée des beaux-arts de tout le cas de Rembrandt. Aujourd'hui la batterie d'expertise scientifique semble octroyer à l'attribution une valeur exacte. Panofsky disait «... L'usage de rayons X, de macrophotographie, etc., ne diffère pas, du point de vue méthodologique, eu recours aux lunettes ou à la longue-vue. Ce dispositif permet à l'historien d'art de voir davantage qu'il n'eût fait sans eux mais sur ce qu'il voit, il n’indique rien ; cela demeure une interprétation stylistique, comme ce qu'il perçoit à l'oeil nu. » L'attribution n'est pas une science exacte mais repose sur un phénomène dont historiquement les primitifs sont les premiers tenants. L'attribution est fondée sur l'idée que l'homme imprime sa marque dans son oeuvre et il y a donc quelque chose de commun dans toutes ses productions. On rappelle souvent qu'il n'existe pas deux hommes semblables et que tout comme la voix et les écritures diffèrent indéfiniment, il en est de même de la peinture. Cette question signifie donc que nous sommes alors sur une oeuvre d'art qui n'est que l'expression de l'individualité de l'artiste. Cela n'existe que si l'on considère qu'il est un élément de l'interprétation de l'image, l'attribution est donc avant toute chose une source de la connaissance et de la valeur même de l'œuvre. Dans cette analogie avec la graphologie il faut se méfier des pseudo lecture psychologique, on ne peut pas tout trouver sur celui qui a avisé le tableau dans le tableau.

L'attribution est donc fondée sur la confrontation entre l'œuvre et un contenu préalable de l'esprit. Le problème immédiat vient de cette existence de variations de style des artistes de présence des maîtres et même de confrontation d'une longue tradition historique de la notion d'authenticité. Si pour des oeuvres plus tardives l'attribution peut être sans comparaison plus simple pour les primitifs ou la main était tout autant l'individu et sa technique, mélange d'individualité et d'ateliers. Il n'en reste pas moins que l'on puisse grouper un certain nombre d'oeuvres autour d’ecoles, de maitres et de stylistiques. La relation entre l'oeuvre d'artistes et le style et la partie vive de l'opération d'attribution. Il devient nécessaire de distinguer une tendance à définir l'attribution comme clarification de l'ordre formel et celles qui se proposent à la restitution d'une « personnalité ». Le développement au XXe siècle des sciences humaines a fait multiplier les questions susceptibles d'être posé à l'oeuvre d'art au-delà des trois simples questions que posait Roger de piles. Nous sommes à un moment où les oeuvres d'art sont interrogées tour à tour comme des faits sociaux et économiques, comme des marqueurs «psychologiques», comme des systèmes de signes. Il n'est pas raisonnable de tenir pour une civilité inférieure la production de catalogue qui fait peu de place à ses problèmes, et de l'opposer à des analyses, qui dépendent entièrement de leur conclusion ; il est maladroit de dissocier à jamais l'attribution qui précède l’interprétation car elles interagissent plus souvent qu'on ne le dit et même qu'on ne le voudrait. Lors d'un récent colloque sur Raoul Hausmann le directeur des archives de Berlin montré un exemple où il avait été consulté pour une sculpture signée R.Hausmann, et donc il avait rejeté l'attribution. La marchandisation et le développement des collections publiques ou privées, est devenu aujourd'hui une course à la connaissance et à l'attribution. Mais toute recherche ne vaut pas par sa rapidité mais par sa qualité. Il faut donc respecter le scientifique, respecter ce que l'on pourrait qualifier de connaisseurs et ne pas pour des pressions extérieures, presser des attributions qui on le sait son la richesse d'une collection, d'un musée, d'une ville, d'un pays. Les enjeux aujourd'hui l'attribution sont peut-être une conséquence de la naissance de l'artiste comme individu et interprète comme première valeur de l'oeuvre.


De cela il se dégage une identification d’oeuvres et de d’artistes.


Sienne:

Le destin de Sienne et de sa peinture est exemplaire. Les conditions initiales sont particulièrement favorables. mythiquement fondé par ces Senius, fils de Rémus, Sienne et la cité de la louve et de ses jumeaux ; elle pourrait donc tenter d'assumer le mythe romain ; et ce d'autant mieux qu'elle résista Florence, qu'elle apparaît vite comme son ennemi la plus tenace et quelle sera la dernière cité toscane à passer sous contrôle florentin en 1555. Elle joue d'ailleurs un rôle non négligeable dans la politique italienne : c'est à Catherine de sienne qu'on attribue le retour des papes d'Avignon et c'est à Sienne, en 1433 que l'empereur Sigismond séjourne pendant quelques mois alors qu'il est en route vers Rome et le couronnement.

Les peintres de la cité font par ailleurs preuve d'une capacité d'invention considérable. Le "grec antique » de Duccio - avec son goût coloriste, antique plastique est plus « populaire » - et immédiatement relayé par Simone Martini qui, dès 1315 proposent une véritable alternative au style giottesque : la maesta du palais public offre de fonder la peinture moderne sur la notion grec, la disposition est moins statiquement ordonnée que dans le modèle prestigieux de Duccio.

L'oeuvre de Simone Martini a une importance considérable par l'influence qu'elle exerce sur le gothique international, mais n'épuise pas les possibilités siennoise à une invention. À la même époque dans les années 1320, Pietro Lorenzetti enrichit l'élégance siennoise des robustesses de Giotto et du sculpteur Giovanni Pisano ; la synthèse prend avec lui un caractère quelque peu archaïque, mais son frère en Ambrogio Lorenzetti porte d'un coup l'école siennoise à un sommet. Le baume intellectuel, sensibles à la fois dans la rigueur géométrique du trône et dans la netteté majestueuse de la disposition de son personnage, Ambrogio a la réputation de peintre cultivé, philosophe plus ce qu'artiste suivant Vasari. En 1332 il est enregistré parmi les peintres florentins mais c'est à Sienne qu’il réalise la première oeuvre civile non plus seulement religieuse mais critique et presque laïque dans la peinture italienne : l'allégorie du bon et du mauvais gouvernement ainsi que les effets du bon gouvernement 1338.

Ces images sont capitales, par leur thème bien sûr, mais aussi par le traitement qui en est proposé. Ambrogio utilise en effet le thème iconographique de la figure trônante et triomphantes qui sera souvent employé pour l'imagerie religieuse, mais il consacre un mur entier aux effets du bon gouvernement ; cette surface, clairement articulé, grâce à l'enceinte fortifiée de la cité - avec édifice faisant allusion à la Sienne réelle -, laisse éclater le modernisme de sa conception picturale : ni histoire ni anecdote, des images concrètement symboliques et un espace « objectif », parcourable où le lieu architectural n'est pas simplement « signifié », mais « représenté », et où l'espace n'est pas centré sur les figures humaines saisies, comme chez Giotto, au moment culminant de leur action et de leur expression : il est conçu comme image d'un territoire parcouru par les divers représentants de la collectivité, chacun occupé à l'action typique de sa fonction sociale.

Ce mélange de vérité et de symbolisme, l'aisance avec laquelle le chemin s'incline en courbe pour dégager le vendeur animé et vécu, avec des personnages à la fois concrets, particularisés et emblématique, font de cette fresque à la fois une condensation du sentiment civique siennois une oeuvre qui, par ses structures mentales et figuratives, annoncé développement de la grande peinture politique.

En 1344, Lorenzetti propose dans une annonciation une perspective géométrique avec un point de fuite unique situé au centre du panneau. Il ne prétend pas découvrir une solution universelle au traitement de l'espace pictural et le point de fuite est bien recouvert, occulté par une colonne dont l'or se confond presque avec celui du fond, annulant toute profondeur réelle. Mais la trouvaille était la, attestant l'intensité et la richesse des recherches siennoises dans cette première moitié du trecendo cette fertilité se confirme par la suite. La peste noire vient à tuer les deux Lorenzetti (1346). Le coup pourrait être fatal et pourtant moins de 20 ans plus tard Bartolo di Fredi et Barna reprennent le travail de fresque. Lippo Vanni continu des leçons des Lorenzetti.

Les possibilités de renouvellement et les capacités d'invention sont donc considérables dans le milieu siennois tout au long du XIVe siècle. Pourtant, le XVe siècle signe un relatif échec historique de l'école siennoise prise dans son ensemble. Alors que le trecendo toscan est, dans une large mesure, tributaire des inventions siennoise, le foyer s'est incontestablement déplacé, dès les années 1420, sur les rives de l’Arno; alors que le début du siècle marqué, en sculpture, par la personnalité exceptionnelle du siennois Jacopo della Quercia, la peinture s'est déplacée à Florence. Il est faux de parler de retard, mais il n'en est pas moins vrai que la peinture siennoise est « réactionnaire », que le traditionalisme y est presque brandi comme un étendard.

C'est sans doute dans la définition de la conscience siennoise elle-même que se trouve l'origine de la distance qui s'installe par rapport au courant historiquement créateur. La conscience nationale de la cité demeure toujours très fort et vivaces, mais elle continue de passer par des structure mentale et sociale déjà ancienne : les contrades, association de quartiers organise depuis longtemps la vie de la cité dans la place centrale, le campo, condense l'esprit communautaire. Ce qui manque précisément à sienne, et cette absence constitue à la fois peut-être le secret de son charme et la cause de son incapacité à rester à la tête du mouvement pictural, c'est la transformation interne du pouvoir qui se fait jour ailleurs en Italie et dont on a vu l'importance essentielle dans la réussite d'une école locale : c'est la « personnalisation du pouvoir ». Les deux grandes figures politiques de la cité sont deux saints, Bernardin canonisé en 1450 et Ste Catherine canonisé en 1468 ils ne sont pas particulièrement distingué par le modernisme intellectuel de leurs attitudes.

La peinture siennoise se maintiendra toujours très définie et nationale avec en particulier une très grande importance donnée aux thèmes religieux. L'esprit de recherche demeure vivant, mais cette recherche s'applique plus, par exemple, à la sensibilité chromatique de la surface peinte qu'à la définition rationnelle d'un espace en perspective. Le sens du concret, si fortement marqué à Florence, est donné ici par un irréalisme presque fantastique : la perspective s'emploie avec un brio démonstratif, mais son aspect rationnel ou mathématique peut être contredit par la structure colorée, la lumière, le vertige du vide ; ce qui est visé c'est moins la démonstration d'une connaissance de la nature qu'une vérité non naturelle, métaphysique et spirituel. Le travail de cet esprit, forme presque une constante siennoise.

Il ne faut pas non plus simplement résumer Sienne à une « conscience gothique » de l'Italie opposée à Florence l'histoire artistique de Sienne est exemplaire. Elle confirme combien la renaissance picturale en Italie est liée à la cité, au cadre social à l’intérieur duquel se développe l'activité des artistes. Elle démontre aussi qu'il est impossible d'interpréter l'histoire de la peinture entre le trecento et le quattrocento comme un mouvement de progrès uniforme et univoque. Les cultures et les réalités locales sont des éléments constitutifs du rythme et du dynamisme réel de l'évolution artistique. Ce que révèle Sienne, c'est que certaines attitudes politiques et culturelles ont pu jouer un rôle historique positif, tandis que d'autres aboutissent à l'échec d'une école bien implantée et vivante. L'évolution en cours entre 1300 et 1500 à un sens, et la cité qui ne s'y adapte pas à se trouve progressivement sur les marches de la grande création artistique, ou, du moins, sur celle du courant créateur le plus riche d'avenir, dans la mesure où il est le mieux capable d'épouser les transformations de la demande.

La peinture siennoise entre originalité et modernité.

Le conservatisme siennois dérange une histoire de l'art strictement ordonné à l'essor des innovations florentines. La cité de la vierge perd de son rayonnement, mais ces peintres sont invités à travailler à l'extérieur. Il élabore toujours des typologies établies par Simone Martini ou par les Lorenzetti et reste fidèle au parti de leurs prédécesseurs : matériaux riches, couleurs vives, lignes sinueuses. Ils sont longtemps réfractaires à la tridimensionnelle étaient vigoureuse, à la volumétrie sculpturale, à la pala Unitaire. Lorsqu'ils adoptent la construction de perspective, ils ont tendance à la dénaturer. Les constructions d'architecture en perspective rigoureuse mais recouverte d'une décoration si abondante et remplie de personnages si nombreux qu'il obtient un effet d'encombrement proche du gothique international.

Pendant presque tout le Quattrocento, la peinture siennoise tend à se replier sur elle-même, prolongeant sa glorieuse tradition, n’accueillant les nouveautés florentines que dans la mesure où elles peuvent être compatibles avec la tradition, ce que Roberto Longhi nomme « gothique à l'ombre de la Renaissance ».

Les modèles siennois restent l'« Annonciation » de Simone Martini et le « Bon Gouvernement » d'Ambrogio Lorenzetti, capables encore d'émouvoir les âmes et toujours appréciées des Siennois. C’est dans cette tradition qu’œuvrent Stefano di Giovanni « Sassetta », Sano di Pietro ou Giovanni di Paolo…


Naddo Ceccarelli

L’annonciation et l’adoration des mages

Sienne, deuxième quart du XIVe siècle.

Notre connaissance de Naddo ceccarelli, dont le nom apparaît dans aucun document siennois, repose sur deux peintures signées bien connu d’une collection particulière américaine et d'une collection du Liechtenstein. Il s'agit d'oeuvres d'une Richesse somptuaire peu commune, surtout par la présence dans les deux cas, d'un magnifique cadre original travaillé à la pastiglia sur lequel s'enchasse des petits ronds avec des figures, et la limitation des feuilles d'or repoussé serti d’émaux. Les deux signatures visibles sur ses panneaux de collections privées déclarent son origine siennoise et laisse supposer une commande extérieure à Sienne. Sur la base de ces deux panneaux les historiens ont pu reconstituer le court catalogue de Naddo Ceccarelli, composée surtout de peinture de petits formats destinés à des particuliers. Ce corpus a permis d'inscrire cet artiste dans le groupe des suiveurs directs de Simonet martini, parmi ceux qui, au sein même de la bottega, ont diffusé le style du maître, mais aussi ces techniques très élaboré de travail des surfaces dorées : de poiçonnage et d'incision des vêtements d'or qui avait été développé par le grand artiste de siennois a intégré de complexité jamais atteint dans l'Annonciation réalisée pour la cathédrale de Sienne. La fin de la décennie 1330, marque la nette affirmation dans cet atelier des variantes linguistiques individuelles. Cela donne un certain nombre de points de repères les plus sûres pour retracer le parcours de Naddo Ceccarelli avant sa première oeuvre datée et pour tenter d'ordonner la chronologie des quelques rares oeuvres connues. L'homogénéité stylistique n'offre pas réellement une vision progressive. En outre, il ne faut pas négliger la réapparition intermittente de caractère manifestement archaïsant, dont la schématisation des volumes. La qualité de la peinture, l'affaire plus minutieuse et plus sensible aux valeurs plastiques met en relief l'originalité iconographique, motifs inspirés pour la présentation de la vierge de Duccio. Il semble y avoir une influence directe de Simone et de Memmi. Le style minutieux et raffiné se retrouve dans la lente cadence de l'adoration des mages, distribuée de façon inhabituelle sur les deux panneaux, et surtout dans l'intonation courtoise des figures, tendrement enveloppées et presque isolées dans le champ d'or. Il n'est guère surprenant qu'une si grande préciosité et une telle splendeur décorative est fait penser à Simone martini, ou au mystérieux maître des panneaux d'Aix-en-Provence et de New York. On a même envisagé la possibilité d'un séjour de cet artiste en Avignon durant ses années de jeunesse. En fait, l'organisation compactée simplifiée de l'espace dans le diptyque ne permet que des rapprochements généraux avec la disposition narrative plus recherchée des petits panneaux d'Aix-en-Provence. Les retombées strictement verticales des vêtements des mages sont en outre, à l'opposé de l'arabesque sinueuse, précieuse et suprêmement gothique de Martini. Ces éléments trahissent tout au plus un reflet de la Lorenzetti dont l'influence peut s'expliquer plus facilement à Sienne. S'il fallait, du reste, reconstituer imaginairement les visages très usées du diptyque on ne peut penser au profil aigu est allongé purement et totalement siennois. Le type de la vierge d'humilité, il n'est pas nécessaire de remonter à l'archétype illustre de Martini puisqu'une telle iconographie apparaît au moins une fois chez Pietro Lorenzetti. On retrouve aussi un ange de l'annonciation avec les bras croisés et sans le Lys dans une annonciation de Lippo Memmi a daté d'avant 1342.

L'origine siennoise du diptyque de Tours dans les contextes d'un melting-pot sur les oeuvres de Lorenzetti auxquelles se soumettent, entre 1330-1340, les anciens compagnons de Martini, Lippo Memmi en tête, explique également la bipartition insolite des mages. L'idée, si moderne d'un espace unifié au-delà des limites imposées par le format, associé à l'enchaînement simpliste des figures, fait penser aux recherches contemporaines effectuées par Ambrogio Lorenzetti.

Les points de comparaison intègre parfaitement s'étendre dans la complexité du vocabulaire siennois mélangeant ouvertement archaïsme et modernité. Il s'agit de prendre pleinement toute la richesse de secteur au vocabulaire de la ville de Sienne.


Venise.

Dans les deux années 1480, Venise devient l'une des capitales artistiques de l'Europe moderne. La mutation qui s'opère est liée au nom de Giovanni Bellini. En reprenant la leçon d’Antonello de Messine, il oriente la peinture vénitienne vers l'humain et l'unité colorée d'une nature de plus en plus civilisée. Mais l'éclosion avait été préparée, rendue possible par la structure même que la cité avait donnée à sa peinture. Très anciennement, en effet, la république vénitienne avait organisé politiquement et économiquement les professions artistiques, mises au service officiel de l'État. Dès les premières années du trecento, il existe à Venise un « peintre d'État » (pittore di stato), comme un « architecte d'État » et un « sculpteur d'État ». À l'époque du doge Dandolo, c'est Paolo Veneziano qui est peintre d'État et l'on sait l'importance de cette figure dans la définition du style vénitien trecento.

Le titre de peintre officiel comprend des avantages financiers considérables (rentes fixes et exonération des impôts habituellement dus à la corporation), mais aussi des charges précises, qui confirme le caractère « politique » de cette charge : le peintre ou son atelier doive exécuter le portrait du doge élu, il doit aussi réaliser le « tableau votif » de l'élection, au Saint-Marc a introduit à la vierge comme le nouveau représentant de la collectivité venitienne. Il reçoit enfin la commande de l'écusson portant les armes de la famille doge et du « devant D’autel » en tapisserie que le nouveau doge doit offrir à la basilique de Saint-Marc. Tâches précises et obligatoires, complétée bien sûre par les diverses commandes venues d'ailleurs.

La continuité de l'école vénitienne est assurée par cette utilisation officielle et obligatoire de l'image peinte dans les grandes circonstances politiques de la vie et de la cité. Ce qui est garanti aussi par cette structure politico-économique, c'est l'enracinement de « l'art dans la cité », le rapport vivant que les artistes au sentiment collectif de la communauté.

L'école vénitienne peut dès lors accomplir, en quelques années, la mutation décisive qui lui fait prendre tant de distance par apport aux traditions byzantines qu'il a caractérisées jusqu'alors. Le peintre vénitien participe étroitement à la vie collective de la république.

On voit mieux dès lors qu'elles peuvent être les conditions à tout le moins nécessaire pour la fondation d'une « école » picturale dans une cité. Une classe dirigeante développée, solidement implantée et entourée d'une élite cultivée, constitue le pôle d'attraction et la force d'impulsion nécessaires à l'apparition des chefs-d’œuvre. Pour que le mouvement se continuait, le prince portant et sa cour ne suffise pas. Le destin des villes comme Urbino Mantoue ou Ferrare le prouve.

À ce que l'on pourrait appeler la « personnalisation » efficace du pouvoir, il faut ajouter une continuité idéologique, dont les racines sont à la fois économiques et politiques. Car, si l'église et la religion demeure le lieu où se totalisent imaginaires, c'est de plus en plus dans la cité des commanditaires civils que se concentrent les commandes et les créations. Une telle analyse est confirmée à travers les différents centres où s'élabore principalement la peinture moderne.

Fidèle à ses traditions, Venise ne se rallie tardivement au nouveau style à l'antique. Venise reste longtemps attachée aux formes du gothique international. Venise laissent un État cité particulier en Italie. Un certain conservatisme des classes dirigeantes montre une conservation de stylistiques gothiques pour les productions artistiques profanes et une stylistique byzantine pour les productions religieuses. Venise et sa richesse est un centre attractif pour tous les artistes italiens. Mais le fort rattachement identitaire du milieu artistique à sa cité rend hermétique une bonne partie des pénétrations modernes. Une nouvelle fois, on remarque le plein déploiement des caractéristiques locales en appui d'une réelle volonté politique.

Ce melting-pot montre un phénomène similaire à la ville de sienne ou à la ville de Florence, mais aux contingences vernaculaires dues à la position géographique, économique, politique de la ville.


Le musée des beaux-arts possède quatre panneaux du primitif vénitien Lorenzo Veneziano. Il s'agit de l'un des meilleurs témoignages d'un artiste se situant entre Paolo et le XVe siècle.

On peut relever que dans l'historiographie de Venise l'intérêt assez primitif et tardif. Le succès des primitifs vénitiens comme Paolo ou Lorenzo fut longtemps limité, voire occulté par une Venise regorgeant de richesse comme les mosaïques de Saint-Marc, les tombeaux des doges ou encore les tableaux du Tintoret de Titien, de Véronèse, de Bellini et de Carpaccio. L'aspect byzantin et archaïque de ses peintures sur bois de l'école du XIVe siècle semblait bien pauvre.

Malgré une généalogie artistique précise de quatre générations successives: Le maître du couronnement de 1324, Paolo Veneziano, Lorenzo Veneziano, Nicolo di Pietro. Longtemps un soupçon plus ou moins explicite de manque d'originalité, de métiers standardisés malgré d'indiscutables excellences techniques pèsent sur l'ensemble de la production picturale vénitienne. Roberto Longhi, définissait un dur comme : « très déférent envers la valeur des matériaux utilisables et plus le jeu, parfait technicien, artisan aristocratique [..] il manque de tendresse comme il manque d'énergie ».

Ce qui est négatif dans le modèle vénitien est la forte influence du modèle byzantin. En effet s'il on lui reconnaît un certain nombre de qualités au XIIIe siècle il en est tout autre au XIVe. Or à la fin du XIIIe l’art byzantin apparaît toutefois comme un défi actuel et séduisant du dernier héritier d'une grâce hellénisante. De chromatisme languissant et précieux, de nuances impalpables, de linéarisme à bout de souffle.

Venise propose une certaine opposition au style du peintre Giotto, pour les deux maitres précédents, Lorenzo témoignent d'un naturalisme plus vivant, d'une élaboration d'un système raffiné d'ornements pour les auréoles, avec des rinceaux continus incisés et parsemée de motif à trois poinçons. L'intérêt porté au langage byzantin de l'époque paléologue, consiste a élaboré une forte identité en opposition aux défis de Giotto à Padoue. Une telle identité, à l'origine d'un langage assez standardisé et durable, marqué par quelques préférences techniques constantes (des ombres sur les carnations dues à l'usage de préparation sombre, des décorations étalées et minutieuses de l’or à la mixion) est paradoxalement devenue, pour l'historiographie, le point faible de l'école vénitienne. En réalité, le maître du couronnement et Paolo Veneziano ne sont ni inférieurs au modèle byzantin, jamais repris de façon littérale, ni inférieur aux modèles de Giotto, bien dissimulé, y compris en raison de la spécificité et des moyens économiques de la commandes. En tenant compte des deux composantes, ils surent élaborer un langage cohérent et personnel, résolument concurrentiel et qui, de ce fait, connu un remarquable succès même en dehors de Venise.

La spécificité d'un tel langage est à la base de la forte productivité de l'atelier de Paolo Veneziano, qui s'impose comme un monopole jusqu'au milieu du siècle. La prédominance des constantes techniques par rapport aux variantes expressives à conditionner négativement le jugement porté sur la production vénitienne. L'atelier de Paolo était organisé comme une entreprise et doit de ce fait montrer de grandes différences qualitatives ainsi que des petits soucis d'identification des panneaux. La virtuosité technique des vénitiens se trouve un peu pour contrebalancer dans qu'une répétition de panneaux, d'iconographie et de postures à certains moments un peu stéréotypés. Le travail d'un atelier comme celui-ci provoque de fortes différences sur les registres expressifs et donne un problème de reconnaissance. Paolo met au point des motifs et des procédés techniques qui sont facilement imitables par ses collaborateurs, comme l'atteste une adoption tardive d'un nouveau poinçon. La variante par rapport à la norme, y compris dans les détails techniques, démontrant de nombreuses occasions la qualité authentique de son talent, prêt à se confronter à des expérimentations originales lorsque le prestige où les disponibilités financières de ses commanditaires lui suggèrent.

Nous pouvons donc définir la production vénitienne à la fois comme sérielle, sans pour autant en faire une caractéristique péjorative et en même temps unique. Le modèle vénitien se trouve donc dans un travail de linguistique où la répétition n'est pas lassante car elle présente en permanence de petites variantes. La relative constante des motifs et des préférences techniques ne doit pas réduire notre évaluation qualitative, surtout si l'on a pleinement conscience que c'est précis mais aimant celle-ci qui établissait l'excellent reconnaissance des objets aux yeux des contemporains et qui ont déterminé le succès commercial. En dehors de la Toscane, aucune ville italienne ne peut prétendre avoir produit au XIVe siècle des tableaux sur bois, comparable par leur qualité et par leur niveau standard d'exécution, à ceux de Venise.

Quelques raisons de ce succès :

- le modèle byzantin encore fortement présent dans les panneaux vénitiens leur octroi une religiosité supérieure.

- l’expérimentation des peintres vénitiens dans les textures très nuancées des chairs (ivoire pour les femmes, ton bronze pour les hommes), dans les élégantes et frêles silhouette, dans les arabesques précieuses des incisions légères et dans la finesse du travail de l'or à la mixtion.

- outre la sacralité et l'élaboration virtuose des surfaces, le troisième aspect déterminant de l'écrasant succès des vénitiens de la peinture sur bois se trouve dans le décor en bois, sculptés et dorés, qu'il faut considérer comme un élément fondamental est inséparable de la confection du retable d'autel, ensemble mixte de sculptures et de peinture. Les sculpteurs sur bois étaient à Venise différenciée des sculpteurs sur Pierre pour la corporation. La spécificité du langage décoratif vénitien, riche en ajout et en clair-obscur même dans des structures fondamentales, trouve dans la sculpture des polyptyques un champ privilégié de spécialisation. Il se joue dans cette sculpture une nouvelle fois une synthèse entre le vocabulaire byzantin et forme plus classique.

Cette considération proposait une véritable articulation structurale entre le répertoire ornemental, la conception fondamentale de l'objet dans son ensemble, qui impliquait au même titre le sculpteur et le peintre. Un des aspects les plus significatifs des polyptyques vénitiens est la disposition des surfaces en bois doré et un sur différents niveaux de relief. Cet aspect éminemment tridimensionnel est une première donnée qui distingue nettement la tradition initiale de la tradition toscane. Même les cadres sont modulés en plans successifs et selon des saillies très différenciées. Par exemple le motif de la coquille sera avant tout utilisé à Venise avant d'être redécouvert par Ghiberti en Toscane. Il s'agit pour les peintres de faire un vrai simulacre de profondeur et de niches.

Les principes de construction des retables vénitiens sont différents. Pour commencer, la prédelle ne soutient pas les panneaux centraux mais elle est appliquée à l'avant comme en témoigne le polyptyque de Paolo Veneziano à Bologne. Les panneaux verticaux, registre principal de la représentation, reposait donc directement sur l'autel. Et non sur la prédelle. Le registre supérieur était toujours constitué de panneaux horizontaux, souvent posée sur un plan plus en relief. Les retables vénitiens sont plus compacts et, souvent encore dans la seconde moitié du XIVe siècle, des moulures courent tout autour du registre principal, sans solution de continuité, son aspect de représentations fermées, encadrés, comme si il s'agissait d'un relief sculptural plutôt que d'une micro architecture.

Nous pouvons donc voir au travers de ces problématiques techniques les différences d'influence et de développement des modèles artistiques.

On peut supposer l'existence d'un mouvement d'influence inverse de l'Occident vers l'Orient est précisément via Venise, dans le développement des installations triomphales peintes sur bois au sommet des iconostases.

Le mélange entre l'icône et la narration, qui caractérise dans une large mesure les polyptyques vénitiens du XIVe siècle, trouve son origine dans quelques retables singuliers du début du siècle.

Les exigences liturgiques, et les spécificités vénitiennes, donne aux peintures sur bois un mariage entre qualité historique et préciosité au caractère ultra gothique. Il s'est élaboré des compositions aussi complexes que scénographiques. Le prestige des retables vénitiens en tant que culture sophistiquée mêlant peintures et sculptures se reflète aussi dans des encadrements en trompe-l’œil réalisés dans certaines peintures.

Lorenzo Veneziano (1356 à 1372)

Lorenzo appartient à une famille de peintres. En l'état actuel des connaissances, il est difficile de cerner la production de jeunesse de Lorenzo.

Les funérailles de Saint Jean baptiste.

Les funérailles de Saint-Jean Baptiste appartient à un groupe de prédelles qui semblent être de jeunesse. Le langage porte la définition des architectures et des figures pleines de vie et trahit la personnalité d'un jeune peintre formé à Venise, comme pour l'utilisation de l'intensité et de l'éclat de la couleur, la touche souple et sûre, et le paysage orné d'arbustes et d'arêtes rocheuses. Toutefois les physionomies particulières des visages, l'accent mis sur la géométrie des corps soulignés par dépit relevé et brisé, un la minutie des subtile et la subtilité expressive semble renvoyer à des modèles hors de Venise. Le goût pour la narration et la description attentive de la réalité semble caractériser cette première phase du parcours de Lorenzo et se retrouve, dans quelques panneaux des collections internationales. Il semble y avoir un mélange singulier entre le style vénitien et hors Venise. Il est possible qu'après une formation à Venise Lorenzo se soit rendu à Padoue où alors il a pu se confronter au langage que Giotto.

Au sein de cette extraordinaire conjoncture artistique, marquée par la diffusion du naturalisme et par le goût pour la narration, Lorenzo évolue lui aussi avec une aisance qui autorise à le considérer comme le quatrième parrain de la vallée du pont au milieu du trecento.

Venise se caractérise toujours comme l'un des plus grands carrefours culturels européens où l'on accueillait toutes les tendances et on parvenait les produits artistiques les plus divers d'Orient comme d'Occident, influençant les artistes locaux et donnant les touches mon une nouvelle orientation stylistique, de trouvaille technique et typologique originale ou peu connue. Enregistrer

Certaines inventions stylistiques et techniques d'avant-garde étaient introduites par Lorenzo sur la base d'une connaissance directe de produits variés, y compris de format réduit, qui circulaient à Venise et satisfaisaient le goût d'un cercle que de commanditaires restreints et sophistiqués, en contact avec les tendances les plus avancées la culture figurative européenne. Lorenzo fut le premier à divulguer le thème de la vierge allaitante à Venise. Il s'agit donc de concevoir que nous sommes face à un peintre travaillant sur l'implication émotive des fidèles et qui nécessitent du coup une représentation plus humanisée. On peut donc voir ici se développer chez Lorenzo une vraie logique moderne.

Lorenzo assimile avec intelligence les principes les plus récents de l'esthétique gothique, sans toutefois renier sa formation intimement vénitienne, ainsi la brillante composition chromatique, la préciosité raffinée des matières, le lent et méticuleux travail de conduite picturale, qui représente le fruit d'une tradition technique de très haut niveau. L'artiste est en mesure de contrôler et d'interpréter de manière originale les stimuli culturels les plus divers. Se trouve ici toute la force synthétique du langage pictural vénitien.

Pour le polyptyque de Bologne, on note dans la maturation du langage Lorenzo, le privilège des formes amples et danses ainsi qu'une facture douce et nuancée. Tout cela met en avant une influence de Giotto.

Conclusion, la remarquable sensibilité naturaliste de Lorenzo et son goût pour l'introspection psychologique sont perceptibles dans la représentation de paysage ou dans la description minutieuse de la palme d'attention aux mouvements expressifs des mains au jeu animé des regards dans la scène montrent avec l'subtilité et acuité les physionomies travaillent l'artiste. Lorenzo démontre avec l'éclectisme génial les peintres vénitiens ont cette capacité synthétique avec un niveau d'une qualité technique exceptionnelle. Lorenzo est donc réceptif aux influences des courants naturalistes de la terre ferme, à la grâce courtoise du gothique d'Outremont. Fort d'une tradition aussi incomparable que celle de Venise, il sut traduire en langage original d'une nouveauté absolue pour le milieu artistique vénitien. Ce langage de mœurs en substance méconnue de ses contemporains, qui n'en comprirent pas les 100 centimes et se contentèrent d'en imiter superficiellement les modèles. Il faudra attendre une génération pour que les conséquences de cette subtile sensibilité naturaliste et ce goût pour les textures précieuses surfaces constitue l'une des clés du langage des peintres vénitiens.



Le couronnement de la vierge et les anges musiciens.

Thèmes de prédilection des artistes vénitiens, le couronnement de la vierge est particulièrement répandu. Une telle iconographie occupe également la paroi principale de la salle du Grand conseil du palais des doges, prenant dans ce contexte une signification hautement politique et symbolique. On voyait en effet dans l'image de la vierge couronnée par le Christ, Venise elle-même qui obtenait, par ses triomphes et sa gloire, la bénédiction et la reconnaissance de dieu. La vierge ou ouvre les mains en signe d'intercession, cependant que le Christ tenant de la main gauche le sceptre fleurdelisé, lui pose de la main droite la couronne sur la tête, suivant un modèle iconographique typiquement vénitien.

Dans cette partie centrale se concentre la pleine maturité de Lorenzo. La relation entre les personnages, la qualité des carnations, mais aussi l'aspect riche et décoratif des vêtements et du fonds octroie à cette image toute sa subtile unité vénitien malgré lui, on peut en regardant attentivement voir comment les manteaux donnent la position assise ou de personnages, tout en leur enrichissant leur plasticité moins les pieds du Christ ainsi qu'une position d'ouverture et semble correspondre aux mains de la vierge. Le regard de ces dernières tournées vers son fils vient à engager un vrai rapport, un vrai dialogue. Il y a ici un frais et chant humanisant le couronnement et en montrant sa singularité. La féminité de la vierge visible par ses mèches de cheveux perçus au travers de son voile transparent vient à montrer une Venise féminine, incarnée. Le jeu entre sculptures et peintures prend ici tout son sens par ce cadre sculpté qui sert de point d'accroche à la tenture magnifiquement décorative se trouvant derrière les deux personnages. Au pli doré de la tenture correspond les plis chromatiques des vêtements, ainsi malgré l'usure de la couche picturale on relève le brio de réalisation des chromatiques des vêtements. Les deux personnages nous donnent ici une composition un et courtois n'a couronnement de la vierge.

Le petit ensemble vocal et instrumental formé de 16 angelots animés, saisis dans les pauses et les expressions les plus variés, tandis qu'il chante ou qu'il joue de divers instruments de l'époque. Ce foisonnant cortège musical, rassemblés derrière la précieuse tenture qui recouvre le dossier Dutroux, retenu à l'origine par la structure du cadre trilobés à la hauteur des chapiteaux des colonnes latérales et des points de courbure de l’arc, semble se dégager de l'enchevêtrement des auréoles dorées et faire signe aux spectateurs, le séduisant grâce à la musique céleste. La composition un ton plus familier et des rythmes irréguliers, en accord avec les intentions plus naturalistes de la peinture de Lorenzo. Cette scène propose un fort dynamisme en quasi opposition à l'aspect solennel de la partie centrale. On relève alors cette utilisation des pourtours pour moderniser l'image initiale.

Les figures de Lorenzo présentent une tout autre plénitude physique et charnelle, elles sont assises de manière solide. La subtilité inventive réside dans le fait que pour rendre le caractère naturel et terrestre de la scène, il ne recourt pas à une importante articulation architectonique du trône. Tout au contraire, ils le masquent presque complètement à l'exception de l'estrade au premier plan. Il le recouvre d'une somptueuse tenture d'odeurs dorées, dont les volumes devaient être modulés. Le fort travail d'ombre met en évidence une tension dans l'étoffe que l'on n'imagine de manière plausible suspendue et tenue en quatre points, cachés derrière les chapiteaux d’imposte et les pointes des écoinçons trilobés. Lorenzo propose ainsi un trompe-l’œil renvoyant à une tridimensionalité qui au travers d'un modèle d'incisions sur feuilles d'or laissant place à toute la préciosité du décor.

La disposition des anges musiciens rend l'atmosphère festive et chaude de la scène.

La technique picturale de Lorenzo est faite de coups de pinceau bref et vibrant, en particulier dans les carnations dont la brillance, quelque peu abstraite, se fait douce et naturel, caresser par la lumière. Ce nouveau naturalisme présent un vrai progrès par rapport à Paolo. Ainsi peindre les deux formés par la fibre de bois comme le fait Lorenzo sur l'estrade du trône du couronnement.

La masse de détail montre ses vraies qualités de la pratique de la peinture dans ce panneau central. Les détails s’y marient, s’y superposent. Renvoyant toute une richesse absolument incroyable du panneau.


Florence.

Parmi les différentes cités où s’élabore la Renaissance, Florence occupe une place effectivement exceptionnelle. Son primat est peu contestable : le nombre des oeuvres, leurs nouveautés, et surtout peut-être, l'importance de la réflexion théorique dans le travail des peintres, ainsi que le rapport étroit entre peintures sculptures et architectures, on le chantier artistique le plus actif de la péninsule. Très tôt, la cité l'artiste, peintre, architecte et sculpteur, Giotto, Kieffer Halard un pas immédiatement considéré comme décisif.

« cimabue se croyait le maître de la peinture, mais aujourd'hui Giotto, en vogue aux si sa renommée. »

Le prestige de la citation dantesque est-elle, pour plus d'un siècle, bientôt une seul peintre a cité comme référence digne des anciens. Cette vision florentine de la renaissance s'installe dès lors, et aujourd'hui encore, l'idée que l'histoire de l'art italien s'est faite à partir de Florence, et en fonction d'elle, est ancrée dans les esprits.


Vasari et la gloire de Florence.

Le sentiment de la renaissance dépend d'une tradition historique et régionale déterminée. Il s'agit de l'ouvrage de Giorgio Vasari, les vies des plus excellents architectes, peintre et sculpteur, publié pour la première fois à Florence en 1550, le succès de l'ouvrage fut immédiat et considérable. Il s'agit en effet de la première histoire générale de l'art moderne produit en Europe. Giorgio Vasari fait appel à de multiples sources d'informations dont la littérature des guides et répertoires énumérant et décrivant les oeuvres d'art notables des églises et des palais. Il se sert également d'anecdotes trouvées ici et là, est en fait une base vivante de l'histoire dont le récit coloré échappe à l'énumération morne et répétitive. Les vies constitue ainsi la plus brillante synthèse de larges Italiens du XIVe au XVIe siècle. Son influence est, dans une large mesure, justifiée.

L'auteur exalte systématiquement l'art florentin, sous couvert d'une histoire en générale et italienne. Il faut considérer que cette publication s’insère dans un programme visant à la gloire des valeurs toscanes. L'académie florentine dont l'activité consiste à établir la poésie moderne et son origine toscane inscrit les vies de Vasari comme l'établissement d'une primauté de l'art toscan est encore plus florentin. L'orgueil local et l'esprit partisan sont à la base même de l'entreprise. Cela offre ainsi une vision d'une renaissance florentine qui même si elle est partiale reste plus ou moins objective. En effet assez équivalent vénitien ou de Bologne, Giorgio Vasari soumet une réelle orientation discoure et de l'analyse de la renaissance.

Pour Vasari il s'agit de faire du réseau florentin le réseau déterminant de l'histoire de l'art.

Or souvent, le sentiment qu'on se fait du développement pictural entre le trecento et le quattrocento en porte la marque indirecte. Victime du toscanisme de Vasari, victimes aussi de l'ancien schéma du progrès artistique, les historiens ont trop longtemps privilégié de Florence où la Toscane.


C'est à Florence qu'on peut le mieux montrer comment et pourquoi la renaissance se rattache à l'histoire d'une cité. Plus que les autres, Florence exporte en effet ces artistes. Le nombre d'artistes vivants et exerçant dans la cité est si important que le mécénat princier ne suffit plus à leur assurer une vie décente. Dès le XIVe siècle les artistes florentins voyagent énormément. Ces diffusions assurent le succès des formules florentines au-delà de la Toscane.

Le succès de Florence repose aussi sur la rencontre, où l'existence contemporaine de grandes personnalités. Ainsi dante et Giotto sont concitoyens et expriment de conception différentes, la conception dominicaine pour Dante et la conception franciscaine Giotto. La ville est à l'apogée du mouvement intellectuel et artistique moderne. Au trecento, la force de l'influence Giotto est presque aussi contraignante qu'inspirante. C'est sur les bases du maître et en travaillant à une adaptation de ces formules, plus qu’en les renouvelant, que l'espace creuse, que l'environnement se fait plus familier, que le goût du détail s'affirme, perdant quelque peu la force épique originale. Il faut attendre la génération suivante pour connaitre à Florence une pleine période de fécondité artistique entre 1377 et 1386 Naissent Brunelleschi, Ghiberti, Masolino, Donatello et entre 1396 et 1406, michelozzo, Uccello, Lucas de la Robia, Angelico, Masaccio, filippo lippi.

Ce hasard ne peut tout expliquer si ces vocations ont pu se manifester et aboutir c’st qu'il existait un substrat suffisamment riche pour que le champ de découverte et de l'expression artistique puisse offrir ce primat florentin

Florence, plutôt que Venise, a su devenir un centre de fixation artistique par les idéaux économiques et politiques. Comme dante l'avait exprimé, c'est à Florence de reprendre le rôle de la Rome républicaine. La lutte contre les milanais a donné à Florence une tâche, celle de défendre les libertés communales contre la domination d'un empire. La cité peut alors revendiquer une politique d'expansion comme digne héritière de Rome. Ce thème est mis au point dès 1375. Florence y est décrite comme une cité libre où le peuple souverain, une ville d'artisans et de marchands et un centre de paix et d'activités bénéfiques, c'est l'ultime rempart contre les tyrannies venues du Nord, elle s'investit d'une mission providentielle. Cette mission politique s'appuie sur une mission civilisatrice. La ville se fait l'une des métropoles du renouveau des études. l'art, les arts plutôt, dans leur diversité et leur complémentarité, doivent démontrer avec éclat la prospérité et la culture de la ville.

« Si l'on ne voit pas Florence de l'intérieur, on ne peut concevoir l'étendue de sa beauté... à l’intérieur des maisons, les murs ne sont pas moins ornés qu'à l'extérieur ; il n'existe pas de plus belle ou plus éclatante qu'une autre : c'est toute la ville dans toutes ses parties qui resplendit. Car les ornements et les délices sont répandus à travers toute la cité comme ils le sont dans le corps tout entier... »

Ce texte date de 1403, il démontre la comme un instrument de propagande, permettant de diffuser grâce à l'exportation des artistes. Avec les transformations dus aux Médicis, l’art garde une fonction similaire : l'image s'adapte simplement à une nouveauté politique. La mise en place d'un principat déguisé, n'en conserve pas moins l'orgueil national et collectif d'une cité qui s'exprime dans ses images et l'oeuvre exalte la collectivité au travers de ses chefs militaires.

La cité a pu devenir le foyer d'une école picturale exceptionnelle, c'est parce qu'en l'espace de quelques décennies, la ville connaît une évolution économique et sociale exceptionnelle. L'alliance du mythe républicain et de la personnalisation princière du pouvoir, le relais de l'un à l'autre, assure à la peinture florentine des conditions nécessaires à l'implantation réussie d'une école durable.

Le sentiment d'appartenance à une collectivité humaine et l’ incarnation de cette instance collective dans une individualité d'exception sont deux ressorts essentiels à la dynamique artistique de l'époque. Ce modèle sera réutilisé à Rome sous la papauté. L'exercice du pouvoir ne change pas, les conditions mentales dans lesquelles se déroulent ont changé, et cette nouvelle dimension collective, imaginaire et idéologique, la cité s'accompagne alors de la plantation effective d'une école artistique.

La singularité florentine.

Artistiquement la mise en place de la rhétorique de ce renouveau romain, se trouve être concrétisé à Florence au travers de la sculpture. On observe très rapidement un certain nombre de signes avant-coureurs de cette régénération de l'antiquité classique qui se situe dans un contexte d'un renouveau culturel beaucoup plus large qui touche l'ensemble d'un renouveau. La rupture avec le modèle gothique devient visible et irréversible vers 1408 - 1410 dans les oeuvres par exemple de Donatello.

Dans la première moitié du quattrocento, la peinture toscane n'est nullement homogène, son développement est une richesse foisonnante. Divers observateurs prennent vite conscience du renouveau des arts mais personne ne se hasarde, même avec du recul, a proposé une histoire de la période aussi clairement articulée que celle que Filippo Villani a su élaborer dès 1381 - 1382 pour le trecento. L'image continue à répondre à ses fonctions traditionnelles : enseigner, mémoriser, frapper l'affectivité. Largement amorcé au XIVe siècle, le passage d'un régime mnémonique à un régime narratif se poursuit. La convention des enrochements nus ou parsemés d'une végétation discontinue et disproportionnée demeure longtemps en vigueur. Masaccio perçu comme opérant un retour à Giotto, innove dans les années 1420. L'effet de profondeur devient plus convaincant, mais il est compensé par un renforcement de l'effet de surface : les bâtisses, présenté plus frontalement rejoigne souvent le bord supérieur de l'image, des rappels de couleurs rapprochent les objets éloignés, l'articulation des murs avec le sol est souvent cachée, le modelé devenant sculptural entre en conflit avec la richesse, la variété et la luminosité des fonds. Les objets gagnent en volumes mais le goût de la ligne réaffirme la surface. L'articulation anatomique progresse en vraisemblance, la description concrète des lieux et des êtres régressent. Plus qu'elle ne découvre le réel la première renaissance dégage ou élabore des abstractions et des généralisations. La peinture toscane et la pratique des arts de la première moitié du quattrocento perd en cohérence mais gagne en richesse. Si l'on met de côté Vasary et que l'on aborde suivant simplement un critère de qualité artistique ces oeuvres on découvre une autre histoire de Florence. Le développement d'une peinture civique amènera avec surprise une influence du modèle siennois. On découvre alors une attention et une minutie concrète ne s'est pas suivant certains modèles de la ville rivale.



l'art entre Moyen-âge et Renaissance programme

L’art entre Moyen-âge et Renaissance

Nouveau cycle passeport pour l’art, en attendant l’exposition Tours 1500, Nous allons aborder la peinture des primitifs européens. Bien que le terme est un peu péjoratif, il s’agit bien d’une profonde période de mutation.

La peinture des Primitifs reste une étape exceptionnelle dans l'histoire de l'art européen. Ce terme de Primitifs est le plus commode pour désigner ces peintres qui sont non pas « inférieurs » aux artistes qui leur succéderont à partir du XVIe siècle, mais bien les premiers de la peinture de chevalet. À côté de la peinture murale, de l'enluminure des manuscrits, de l'art du vitrail, trois techniques qui existaient depuis des siècles, ils développent un domaine neuf, autour des panneaux que le peintre réalise dans l'isolement de son atelier et qu'il peut ensuite livrer dans une église proche, dans la demeure d'un bourgeois de la ville, mais aussi exporter dans des contrées éloignées, diffusion dont nous connaissons bien des exemples pour cette époque.

Une nouvelle fois il s’agit d’une profonde mutation de la peinture qui accompagne un changement de société. La peinture prend de nouvelles fonctions, témoignent de nouvelles attentes.

Les «primitfs» et leurs pratiques ne sont pas homogènes. Si l’on considère que le Gothique international s’arrête entre 1380 et 1420. Alors en Italie par exemple, la renaissance prend place. Mais en France il faut attendre la fin du XIVe siècle. Que nous pouvons constater que malgré les disparités stylistiques, techniques, géographiques et chronologiques, la mutation des images se fait dans une cohérence. Ainsi l’émergence de l’individu humain qui devient acteur et créateur de l’histoire et du sens du monde. La peinture montre un homme prenant possession du monde par son action, son intelligence et sa culture. Pour longtemps encore toute une part de sa perception tend à identifier un sens divin, caché dans les phénomènes naturels, mais l’homme commence à trouver un sens simplement naturel dans l’histoire et la nature.


passeport pour l'art le 9 janvier 2012, 11 janvier 2012, les primitifs italiens


passeport pour l'art le 16 janvier 2012, 18 janvier 2012, 21 janvier 2012 les primitifs flamands


passeport pour l'art le 23 janvier 2012, 25 janvier 2012, 28 janvier 2012 les primitifs français

passeport pour l'art le 30 janvier 2012, 1 février 2012, 4 février 2012 De l’artisan à l’artiste, vers une pratique libérale ?

passeport pour l'art le 6 février 2012, 8 février 2012, 11 février 2012 la place du commanditaire.

passeport pour l'art le 13 février 2012, le 15 février 2012, 18 février 2012 la circulation des oeuvres en Europe.


passeport pour l'art le 20 février 2012, 22 février 2012, 25 février 2012 les nouvelles fonctions de l’image.

passeport pour l'art, le 27 février 2012, 29 février 2012, 3 mars 2012 nouvelle image de l’homme et de la nature


passeport pour l'art, le 5 mars 2012, 7 mars 2012, 10 mars 2012 conclusion cycle l’art entre Moyen-âge et renaissance.


mercredi 14 décembre 2011

Conclusion Vrai/faux semblants

Conclusion Vrai/faux semblants


Dernière conférence du cycle, il est l’heure de conclure.

Par le thème de la vraisemblance, nous avons abordé le rapport de l’oeuvre au réel et ce que nous avons défini comme la part de réalité et de vérité dans les pratiques picturales depuis la XVe siècle. Pour résumer et tenter de conclure sur les thèmes les plus vastes de l’art et de son histoire, il est bon de faire un bilan.

Tout d’abord sur le traitement chronologique et historique de notre sujet. Aborder le thème de l’imitation et de la représentation d’une réalité quasi tangible en peinture sur une période aussi étendue soulève le questionnement d’accepter une quasi transversalité de cette notion. Il s’agit aussi d’un positionnement intégrant un socle commun à toutes les pratiques artistiques ou tout du moins picturales entre le XVe et le XXe siècle. Cela peut paraître arbitraire, mais il s’agit de prendre conscience que lorsque l’on recherche la vérité non pas comme une quête, mais comme une interrogation du sujet en peinture, il faut toujours avoir conscience du jeu au sein duquel nous pratiquons. Le cadre des conférences passeport pour l’art est le musée des beaux-arts de Tours. Ce dernier présente une collection qui va de l’Antiquité à nos jours. Matériellement regroupés au sein d’une même structure, il s’agit donc de concevoir que dans une muséologie les oeuvres présentes un point commun est de permettre de creuser ou de tisser une étude entre toutes. Le propos tenu par l’oeuvre est tributaire de son cadre de monstration. Ainsi avoir conscience de ce cadre dans lequel nous présente ses tableaux est déjà une inflexion de sa lecture. La première part dans ce dispositif du discours contenu par le tableau est celle du patrimoine. L’oeuvre « choisie » comme un témoignage de la production artistique de son temps entre dans le musée au sein d’un dispositif qui conduit à ne pas remettre en cause sa valeur artistique.

L’une des données les plus fondamentales de la vraisemblance, du caractère imitatif et expressif de la peinture, est le jugement apposé au tableau. L’un des noeuds que nous avons essayés de défaire durant ce cycle est le rattachement fondamental de la représentation du réel comme la première qualité de la réalisation picturale. La volonté de créer une oeuvre suffisamment convaincante pour que son spectateur y voit un espace mimétique, la clé de voûte de la création d’un dialogue entre eux le sujet et son regardeur. Ces images du monde et les récits qu’elles reproduisent confèrent toujours en a la peinture une double nature quant au discours qu’elle tient. Image à elle seule ne suffit pas à générer un dialogue sentimental avec son sujet. L’imagerie religieuse qui au XIVe siècle oriente la raison d’être de l’image porte ce paradoxe. Donnant à voir ce qui ne peut être perçu dans le monde réel, l’artiste doit proposer en un instant une image qui soit plus belle que la réalité. Ce caractère paradoxal d’un sujet s’inspirant de la nature mais en proposant une image supérieure de ces dernières découlent sur le thème l’apparition et de l’émerveillement. La patrimonialisation de ce corpus d’images témoigne de son caractère supérieur. Ainsi tout objet intégrant la collection tend à être validée par la résonance historique des oeuvres qui chronologiquement le précèdent. Alors la vraisemblance se construit sur cette légitimité ou le spectateur cherche dans un discours polymorphe et individuel le lien qu’ils puissent avoir entre un panneau dévotionnel du XVe siècle et du papier peint du XXe.

Ce nivellement du discours n’est pourtant pas total, au sein du musée chaque période et chaque zone géographique sont individuellement présentées. Chaque pièce conduit le spectateur à circuler au travers d’un maillage historique. La vraisemblance se rattache à une lecture chronologique. La vérité d’un discours et d’une valeur d’un objet s’attache à un contexte sociologique. Pour en saisir son importance il faut faire l’effort de contextualiser les oeuvres. Ainsi les enjeux de la vraisemblance fonctionnent plus sur le principe du reflet que du miroir. L’oeuvre d’art se lie aux notions d’information et de signes qu’elle contient. Notre conscience historique juge la valeur du système artistique par la réception même de l’oeuvre.

Le développement d’une autonomie de l’oeuvre et du statut libérale de l’artiste se produit par le développement d’un discours accompagnant l’objet. La vraisemblance est une posture « critique » quant à la représentation et à sa validation. Quand on peut dématérialiser le tableau en proposant une description écrite ou orale, cela constitue une prise de conscience de l’expression même de l’artiste. Il s’agit d’une intellectualisation de l’art. La recherche de la vérité dans l’oeuvre ne peut se cantonner à la simple observation visuelle mais doit se faire dans la compréhension des réseaux intellectuels et philosophiques qui l’accompagnent. Aborder la vraisemblance consiste à réfléchir aux modalités de sa signification. Les images possèdent une double nature : oculaire et mentale. L’image n’est pas uniquement des formes mais aussi des signes qui doivent être compris et connus de son spectateur. L’oeuvre devient un symbole, c’est-à-dire une réalité abstraite, face à auquel tout spectateur voit un objet portant au-delà de sa représentation un discours. Nous avons abordé la symbolique pour comprendre les différentes strates possibles de la lecture même d’un sujet. Cette intellectualisation connaît pourtant ses limites, par les connaissances que nous possédons aujourd’hui.

L’oeuvre étant un objet socialement engagé, et le témoignage de toute l’évolution des discours de description du monde et de sa pénétration dans cet enjeu imitatif de la peinture. Par les « visions du monde » et le dialogue avec les sciences, nous avons abordé cette perméabilité entre l’oeuvre et son temps. L’artificialité ontologique de la peinture peux rendre méfiants quant à cette intégration des diverses descriptions (scientifique, philosophique, poétique...) dans la peinture.

Cette méfiance et ses interrogations créaient un va-et-vient dans notre rapport avec le tableau. Ayant conscience à ce dernier est un réceptacle à nos propres connaissances notre perception de sa vraisemblance va évoluer au fur et à mesure de notre propre curiosité intellectuelle. En n’y réfléchissant, un tel cycle n’aurait pas été envisageable il y a cinq ans de cela lorsque nous avons mis en place le cycle de conférences sur les collections permanentes au musée. Car comme dans toute démarche d’analyse il nous a fallu passer par ce registre descriptif et technique pour pouvoir aujourd’hui aborder un certain nombre de questionnements intellectuel, d’un enrichissement pas uniquement matériel mais principalement culturel. Rendre au début du XIXe siècle accessible l’ensemble de ses collections au plus grand nombre va dans ce sens. L’intitulé des cycles de conférences « passeport pour l’art » constitue déjà ce principe de passer dans un monde, au-delà d’une frontière pour un cheminement et une évolution.

Le rapport avec l’oeuvre ne peut uniquement se faire par le descriptif, mais elle ne peut non plus se faire uniquement par l’intellectuel. Le paradoxe de la vraisemblance pour l’oeuvre d’art c’est qu’elle nécessite de se confronter physiquement à elle pour pouvoir, dans une démarche d’appropriation, l’intellectualiser. Rien ne peut remplacer l’expérience visuelle face à une oeuvre. La conduite du regard, le jeu d’observation ont, dès son origine moderne, amené l’artiste à composer un tableau dont l’ensemble pouvait être assujetti à une dislocation par son spectateur.

La vraisemblance en peinture se nourrit de ces points de vue que l’on peut prendre sur l’oeuvre. L’oeuvre est une fenêtre ouverte sur le monde et ouverte sur l’histoire. Cette définition que je vous redonne à chaque cycle est pour moi centrale. Par sa subjectivité l’artiste donne son regard et son histoire. L’oeuvre est une matérialisation de sa carrière, de son discours... À ce niveau de compréhension, l’oeuvre est un fragment. C’est-à-dire une infime partie émergente d’un iceberg. La vraisemblance se passe tout autant en surface qu’en profondeur. L’artiste comme son spectateur a conscience de ce contenu souterrain. Ce dialogue qui s’instaure et nourrit par d’une curiosité et d’une délectation intellectuelle qui en résulte.

La compréhension d’une oeuvre d’art, même si elle ne peut jamais être totale, se fait dans une démarche active. D’un côté chez l’artiste qui convoque l’ensemble de ses connaissances afin d’exposer au regard de tous une oeuvre qui les interpelle et qui correspond (ou non) aux critères de son temps. De l’autre, le spectateur doit à son tour activer la composition pour en ressortir une jouissance à la fois physique et mentale.

Souvent nous entendons dire qu’une oeuvre se mérite par les efforts que l’on doit concéder pour son accessibilité. Cela n’est pas un effort douloureux mais doit rester profondément un plaisir. Car dans ce jeu du discours et de la vérité contenus dans l’oeuvre d’art, le terme de délectation sous-entend une logique du plaisir. Représenter une nature plus belle au sein du tableau consiste à offrir au regard une oeuvre visuelle supérieure au réel. Cette hiérarchie repose sur cet émerveillement que l’on peut avoir face à l’oeuvre.

L’une des origines que nous n’avons pas abordée dans le cadre de ce cycle vrai/faux semblants est la poétique. Car il s’agit bien là de la légitimation d’une représentation qui puisse se défaire de la simple figuration du réel. La part poétique dans la description du monde par les artistes plasticiens convoque le sentiment. Ce dernier se nourrit de l’imaginaire, le sentiment même que l’objet représenté puisse être sujet à une flânerie mentale.

L’artiste n’est pas uniquement le manipulé il est aussi manipulateur. Ainsi remettant en cause les données scientifiques et cartésiennes de la description du monde, il nous offre une image qui nous déstabilise. La création de sentiments contradictoires et du plaisir à observer une scène qui dans la réalité nous choquerait, nous interroge personnellement sur cette capacité de l’oeuvre à s’extraire du réel. Ainsi arrêterions nous face à une carcasse d’un boeuf ou bien encore à un gisant ? Une grande partie des sujets religieux et mythologiques nous confronte à la mort, au cadavérique. L’image oscille entre violence et douceur. Cette double nature est provoquée par l’artiste pour générer cette confrontation et des sentiments exacerbés. Car le sujet étant représenté plus beau que de nature, il doit aussi générer des sentiments supérieurs à ceux de l’expérience du réel. Le paradoxe de la vraisemblance, c’est-à-dire de la vérité du discours de l’oeuvre, repose en partie sur son caractère expressif. Les sentiments sont ceux qui confèrent à l’oeuvre une valeur supérieure à un autre objet visuel. Scruter le tableau consiste à chercher les moyens mis en place par le plasticien pour nous toucher. Comprendre cette démarche c’est en partie faire apparaitre/disparaître une part de l’aura immatérielle de l’oeuvre.

Car ce qui est consécutif d’une matérialisation et d’une dématérialisation des discours tenus par l’oeuvre d’art est la création d’une aura, d’un rayonnement. L’oeuvre contient-elle plus que ce qu’elle figure, cela est certain. Étant devenu un symbole elle possède cette réalité abstraite qui crée comme un nimbe imperceptible visuellement et compréhensible mentalement.

Mais il ne faut pas oublier que l’art est aussi un jeu, celui du plaisir de l’oeuvre qui demande notre curiosité. Cette quête d’une vérité nous conduit inexorablement à la faire notre. L’art est délectation, un des historien d’art qui à jouer de cette passerelle est Daniel Arasse. Évidemment que ces propos puisse être remis en cause. Mais il offre une vraie part au subjectif, une vrai part au regard que l’on a tendance à oublier. Dans son ouvrage «On y voit rien», il interroge le fait de regarder une peinture. Que pensons ou imaginons nous devant un tableau ? Qu’est ce que l’on voit ? Qu’est ce que l’on devine ?

Le titre «on y voit rien» fait que ce rien n’est pas rien.

«Je vous vois venir : vous allez encore dire que j'exagère, que je me fais plaisir mais que je surinterprète. me faire plaisir, je ne demande pas mieux, mais, quant à surinterpréter, c'est vous qui exagérez. C'est vrai, j'y vois beaucoup de choses dans cet escargot ; mais après tout, si le peintre l'a peint de cette façon, c'est bien pour qu'on le voie et qu'on se demande ce qu'il vient faire là. Vous trouvez ça normal, vous ? Dans le somptueux palais de Marie, au moment (ô combien sacré de l'Annonciation, un gros escargot qui chemine, yeux bien tendus, de l'Ange vers la Vierge, vous n'y trouvez rien à redire ? Et au tout premier plan, pour un peu, on verrait la piste que sa bave trace derrière lui ! Dans le palais de Marie, si propre, si pure, la Vierge immaculée, ce baveux fait plutôt désordre et, en plus, il est tout sauf discret. Loin de le cacher, le peintre l'a mis sous nos yeux, immanquable. On finit par ne plus voir que lui, par ne plus penser qu'à lui, qu'à ça : qu'est-ce qu'il fait là ?» Daniel Arasse on y voit rien.


«On dirait que tu pars des textes, que tu as besoin de textes pour interpréter les tableaux, comme si tu ne faisais confiance ni à ton regard pour voir ni aux tableaux pour te montrer, d'eux-mêmes, ce que le peintre a voulu exprimer.» Daniel Arasse


Cette question de confiance est inhérente à celle de la vraisemblance et du regard que l’on pose sur la peinture. En aparté, la semaine dernière nous abordions la notion de richesse. La richesse culturelle vient de la confiance que l’on a dans son regard. Évidemment le discours de l’historien d’art à une légitimité intellectuelle. Mais votre regard est tout aussi légitime. Savoir regarder demande du temps et des efforts. Cela apporte, enrichie et surtout distraie. Se distraire c’est s’amuser, mais se n’est pas être inattentif, bien au contraire. C’est se poser des questions qui ne sont flottantes mais reposent sur l’oeuvre, sur cette matérialisation.

Tenter de définir la vérité en peinture c’est comme une quête du Saint Graal, ce qui est important ce n’est le graal, mais le cheminement, la quête.

C’est pour cela qu’il ne faut jamais s’oublier en peinture. Qu’il ne faut jamais omettre cette richesse que donne l’oeuvre à celui qui prend le temps de l’activer. La vérité en peinture est celle de l’artiste et la notre, personnelle et intime.