La perspective géométrique, espace et illusion en peinture
La perspective géométrique dresse un pont entre les arts et les sciences de vision. Dans un enjeu illusionniste, ce protocole devient une pierre angulaire de cette représentation. Elle va devenir avec les différents traités et écrits à son propos un argument de la vraisemblance et de la vérité en peinture. Mais avant d’être modélisée, la perspective est expérimentale et balbutiante.
Définition de perspective
Le nom choisi pour la nouvelle discipline est significatif : le mot perspective traduit en grec optiques, qui signifie vision directe ou vision distincte, celle qui, pour la science ancienne, nous dévoile les choses mêmes.
Les versions latines de l’optique d’Euclide, les traités médiévaux sur la vision s'appellent alors perspective et jusqu'à la fin du XVIIe siècle, coexistent avec le terme qui désigne la technique picturale. Pour les distinguer, on oppose simplement la perspective « commune », au « naturel », la perspective artificielle des arts, expression qu'il faut bien traduire par « vision artificielle », car c'est le sens qui fut d'abord le sien pour ceux qui l'inventèrent.
Témoin de son temps et objets d’étude.
Il faut relever le réel souci de concevoir que la perspective est devenue très rapidement au regard de l'histoire de l’art un objet d'étude à part entière. En effet, certains grands historiens d'art comme Francastel ou Panofsky ont développé la possibilité de concevoir la construction d'espaces, comme le moteur de la réforme moderne de la renaissance, il ne s'agit pourtant à certains instant que d'une relecture au travers des compréhensions de la vision de ce qui semble correspondre à cette période-ci de sa propre vision. Connaissant aujourd'hui de façon cartésienne et rationnelle l'ensemble des possibilités de l'optique et du fonctionnement de cette dernière nous percevons souvent certaines caractéristiques de construction d'espaces et de la perspective comme simplement le fait de la possibilité d’une optique telle qu'elle pouvait être perçue par ces artistes de la renaissance.
Les spécificités de l'espace perspectif intègrent les termes d'effets de mentalité ou de visions du monde, comme un phénomène de représentation passager et contingent, défini par exemple par l'histoire sociale.
La perspective comme visée rationnelle de la vision
Ainsi la perspective était-elle porteuse d'une visée rationnelle dépassant les simples exigences du travail de l'artiste. Elle se voulut une vision, et cela signifie qu'elle convoquait au moins de manière implicite l'expérience sensorielle et la compréhension qu'on pouvait en avoir à la renaissance. Sans doute est-ce bien par un procédé géométrique que l'espace à trois dimensions est représenté sur le plan du tableau, et à ce titre que la perspective exigeait de l'artiste une compétence technique particulière ; mais cette qualité désigna la signification de la discipline nouvelle.
Un procédé connu mais non utilisé au moyen-âge
Les auteurs médiévaux disposaient déjà le traité d'une « optique géométrique », mais n'avaient jamais songé à en tirer un parti pictural illusionniste. En revanche, les inventeurs de la perspective pouvaient assigner au procédé le but de produire artificiellement la vision, c'est parce qu'ils avaient affaire, de façon encore particulière partiellement voilée, à une idée neuve de l'expérience visuelle : la vision naturelle devenait pour la première fois susceptible d'être reproduite par l'artifice d'une représentation.
Une scène de l’humanisation
L'humanisation des personnages divins représentés, leur mise en situation au monde, sur la terre, entraîne la représentation des lieux pour situer les actions. À partir du moment où le peintre place parmi les hommes les histoires du légendaire chrétien, il dispose les séquences dans des lieux figurant la réalité du monde perçu. Par ce monde réel, effet de colline de vergers d'activité agraire, de ville en activité, le Christ n'entre plus dans Jérusalem, il entre dans des scènes parmi nous.
La réponse à une peinture figurative
Cette entrée en force de la perspective et du paysage dans la peinture est une des caractéristiques majeures de production des primitifs italiens. Le sujet religieux qui justifie la commande se déroule désormais dans un espace qui est organisé par quelques composants signifiant pour évoquer l'extérieur : arbres, collines, ravins, ruisseaux, village perché dans le lointain.
L'image peint ainsi le figurant, elle s'élargit sur des paysages de colline. Il s'agit de mettre un décor à la représentation des saints personnages et des saintes actions.
L'autre conséquence de cette réforme est la circulation des personnages au sein de cet espace nouvellement défini. Cette peinture est bien maîtrisée par les peintres de la Rome antique, par exemple, et il suffit de se reporter aux fresques de Pompéi pour s'en convaincre et avait été abandonnée, semble-t-il, pendant le long Moyen Âge pour de multiples raisons. Cette localisation, réapparaît dans le style de ces peintres de la fin du XIIIe siècle du début du XIVe siècle dans leur souci de décrire le monde réel et de mettre en images la nouvelle théologie.
Humaniser la figure de Dieu, l’installer au milieu des hommes, c'est donc peindre, en conséquence, la réalité de la terre, la qualité du lieu. Le discours, pour être efficace dans cette nouvelle idéologie d’une église plus près des gens, de montrer que les paraboles du Christ, son enfance ou sa passion, se base en des lieux crédibles et proches de la réalité observée. Peindre des paysages évoquant la réalité du monde conduit à représenter des architectures pouvant abriter les séquences de récits. Les primitifs italiens sont donc confrontés très vite aux rendus des volumes complexes c'est-à-dire de l'architecture.
La lecture et sa représentation coexiste avec la mise en place d'un système optique précis , la perspective.
Les peintres italiens se livrent à un travail systématique visant à définir rigoureusement une perspective linéaire capable d'organiser clairement l’image. Ce travail, lié à l'observation concrète des détails de la nature, va transformer progressivement la surface peinte en « fenêtre ouverte » sur le monde. À nouveau, il ne faut pas simplifier la complexité réelle de ce mouvement qui traverse la période ; il existe de multiples systèmes de perspective et l'on ne peut plus privilégier uniquement Alberti.
Malgré les interprétations diverses qui en sont proposées, linéaire et mathématique, elle constitue effectivement l'appropriation implicite d'un monde soumis à une connaissance quantitative. L'homme du quattrocento dessine l'image d'un monde dont il serait, pour Panofsky, le connaisseur et possesseur avec Dieu. Les hommes d'Italie inventent la forme symbolique d'un mode de pensée, de sentir et d'agir orientée par le souci de l'efficacité rationnelle. On cherche la mesure concrète et matérielle des apparences permettant aux individus d’exercer une action.
La perspective et la construction d’une vision classique
La perspective du XVe et du XVIe siècle est l'intuition que la vision se « démontre » en peinture, les philosophes classiques ont défini le statut de cette peinture visuelle dans son double registre:
- pictura matérielle destinée à la rétine
- imago spirituelle projetée dans le monde et dans ses caractères expressifs et représentatifs.
Il n'est pas indifférent que les auteurs d'optique et les philosophes du XVIIe siècle, comme Kepler ou Descartes évoquent le pinceau de lumière ou les tailles-douces au sujet des peintres rétiniens et que les analyses classiques de la perception et de la représentation visuelle sollicite constamment le modèle « du tableau de perspective » pour décrire la nature intangible des images visuelles.
L’invention d’une vérité
La perspective se distingua de ces approximations comme la vérité se distingue de l'erreur. Son invention correspondait, dans l'esprit de ses promoteurs, à la fixation d'une règle exacte et infaillible donnant la juste proportion des diminutions et le sentiment d'un espace unifié parfaitement fidèle à l'expérience visuelle c'est bien cette exactitude qui fit l'objet de la démonstration de Brunelleschi: le miroir qui permet tour à tour devant le baptistère réel et le baptistère peint sans changer de place ni même tourner les yeux, manifestait de façon merveilleuse l'exact de substituts habilités des expériences visuelles.
L’origine Brunelleschi, légende...
L'histoire de la perspective possède comme origine les petits tableaux de Brunelleschi et le dispositif sophistiqué où ils s'inséraient, qui « démontrèrent » pour la première fois la perspective. Ses tableaux furent très tôt perdus, et ce n'est que la description à la fois circonstanciée et lacunaire des biographes qui figurent cette « première fois » mythique de la perspective.
La croyance suivant laquelle les Florentins ont fondé la renaissance sur l'emploi d'un système réaliste de figuration de la perspective tirée de la mathématique d’Euclide et de l'observation attentive des vestiges de l'Antiquité (dépositaire du Grand secret des nombres et de l'harmonie) demeure la base de notre interprétation générale de l'histoire de l'art et de son évolution moderne. Au témoignage de son époque Brunelleschi réalise également, dans les premières années du quattrocento, un merveilleux petit appareil d'optique qui nous rapproche des problèmes de la peinture. Il s'agit de deux petits panneaux où sont représentées les architectures familières à tous les Florentins : le baptistèr, la porte centrale de la cathédrale et le palais de la seigneurie. Ils sont représentés, l'un et l'autre, avec leur cadre de rues et de places constituant autour d’un décor à plans échelonnés. Le caractère expérimental de ces optiques tenait dans le rapport avec les spéculations qui guidaient une esquisse dans l'édification de la coupole. Il s'agit d'un jeu raffiné d'optique, tout un monde imaginaire de rayons et de reflets qui s'offraient au regard des spectateurs. Jeu entre le réel existant et le réel futur.
La perspective centrée: l’homme au centre de toute chose
La perspective centrale, avec son horizon, son point de convergence, ses effets de raccourci saisissant, fut longtemps et lentement approcher dans les ateliers du trecento. Elle ne sort pas tout armée, les expériences de Brunelleschi ou le traité théorique d'Alberti, sont certainement l'aboutissement d'une maturation souterraine et empirique. Aussi aurait-elle pu, et ce fut le cas dans le nord, rester une invention anonyme, comme sont anonymes de façons générales les savoir-faire de l'artisan, du temps et de l'expérience et non du génie. Mais il importait aux humanistes italiens de donner à la perspective un nom de baptême et de faire de sa découverte le moment d'une instauration au terme de laquelle plus rien en peinture ne devrait être comme avant. La perspective était à leurs yeux bien plus qu'un savoir-faire, les premières expériences de la perspective apparaissent comme la résolution parfaite du problème que les peintres ne cessaient de se poser depuis l'époque par déduction: la création de l'espace d'un tableau. Les grands peintres du trecento possédaient déjà, l'idée exprimée plus tard par Alberti, de la peinture comme une « fenêtre ouverte sur l'espace » d'une histoire. Les oeuvres donnent aux figures et aux édifices la stabilité, les raccourcis, l'étagement nécessaire pour créer l'illusion des trois dimensions et appelé le spectateur à se représenter une profondeur par-delà le tableau, comme si la surface de celui-ci avait perdu sa matérialité laissant voire en transparence une scène vivant.
La perspective géométrique centrée, accorde une position centrale à l'homme en tant qu'observateur de la composition. Il devient donc lui-même la meule eut la nature de la réalité nouvelle que le peintre aspire à représenter. Chez Alberti, l'idée que le peintre par l’imitation de la réalité avait l'intérêt d'une mimétique absolue dans la composition peinte. Cette réalité n'est que le développement cartésien et scientifique d'attention du monde extérieur.
Il s'agit pour ces peintres de concevoir un illusionnisme permettant rationnellement du saint personnage non plus simplement comme un motif décoratif (au sens noble de sa définition) mais de le percevoir comme concrètement un moteur de sa sensation. La profondeur et l'illusionnisme donne une matérialité quasi tangible à un certain nombre d'objets.
La perspective comme pouvoir de suggestion
Que la peinture soit une représentation fidèle et directe de la réalité est sans doute le dogme le plus constant de la théorie esthétique de la renaissance.
Elle établi un lien entre la science et la perspective et place une autre hypothèse de perception. Il faut bien comprendre que la construction même de la possibilité d'une relation entre la géométrie et la peinture ramène sa scientificité à quelque chose de supérieure.
Celle-ci était fort simple et son pouvoir de suggestion n'est sans doute pas encore épuisé. l'évidence est constituée pour les auteurs de la renaissance comme la preuve de la vérité perspective, sa base scientifique pour reprendre les termes d'une critique contemporaine favorable à l'idée d'une fidélité naturelle de la perspective, l'image est attachée à une signification pour former un symbole. L'idée que la vision se démontre dans l'intersection de la pyramide visuelle pose sa légitimité dans un concept de la vision historiquement déterminé, où s'affirme le caractère projectif. L’illusion perspective est supposée possible et naturelle que par l'identification de sa causalité : la vision est un pouvoir causal, un processus qui porte ses effets dans l'oeil.
Même dans les premiers temps, la perspective n’est pas ressenti comme une reproduction absolument fidèle du réel. Ses inventeurs étaient parfaitement conscients que l'oeil de la perspective est un oeil artificiel qui simplifie les conditions de la vision vivante. La perspective n'est pas une copie parfaite de l'espace vécu, bien que, certaines règles étant respecté, elle puisse apparaître comme une modélisatio la plus naturelle. Léonard de Vinci sera d'ailleurs un des premiers à décréter de manière précise les insuffisances de la perspective linéaire. L'attention aux propriétés concrètes du visible, à ses valeurs d'aspect en qualité de la lumière que le modèle géométrique de la perspective avait d'abord nié ou mis entre parenthèse n’est pas une récusation de la perspective dans son essence.
La cause sur les mimèsis et la construction d'un espace revient à concevoir une perception de territoire devenant le moteur même de la logique de l’image perspective et coïncide avec celle qui fournit la vision directe.
La perspective, création d’un espace mental...
Au début du quattrocento, il est clair que des recherches sont en cours dans différentes directions, qu'il s'agisse des rapports du plan et de l'élévation d'un édifice où le remaniement pictural et sculptural de la lumière. On ne passe pas brutalement d'un modèle moyenâgeux à un modèle renaissant.
L'importance donnée aux rapports concrets et mesurables qui existent entre des objets en apparence éloignés et étrangers les uns aux autres, la découverte du fait que les lignes ne définissent pas seulement la limite des surfaces continues, et que l'intersection des plans se prolonge se projette dans le vide en lui donnant une forme, constitue évidemment une leçon infiniment précieuse pour les peintres.
Le but des artistes n'est pas de déchiffrer les propriétés contenues dans les choses, mais de créer un système mental de représentation. Le nouveau système est symbolique et mythique autant que mathématique, la découverte des objets est fonction davantage de leurs significations sociale ou pratiques que mathématique. Si l'on admet que l'espace n'est pas une réalité en soi, il faut bien comprendre que, dans son expérience contemplative ou active du monde, l'on introduit à la fois des valeurs positives et des valeurs imaginaires. L'espace de la renaissance n'est pas une sorte de cadre vide déterminé seulement par un réseau géométrique idéal ; il implique la présence d'objets et d'images. Ce double aspect de l'espace est venu fournir des moyens non à la compréhension abstraite d'une réalité théorique mais à l'aménagement d'un nouveau matériel imaginaire.
Un espace sensible
Le nouvel espace plastique de la renaissance n'est pas seulement une forme, il possède une matière qui correspondait à une certaine somme des représentations et des sensations tirées par les artistes des conditions positives de leur existence transformée elle-même, simultanément, par le progrès des techniques.
La mise en place d'un nouvel espace dans la représentation coïncide avec la mise en place d'une nouvelle compréhension de l'espace terrestre réel. Le développement de la géométrie de l'optique, de la quantification du monde, de sa description apporte inexorablement des éléments concrets de figurer de la réalité aux peintres.
Le quattrocento tient l'espace non pas seulement technique mais également figuratif, en inventant à la fois des lieux, des êtres, ou des objets représentatifs d'une certaine interprétation du milieu naturel et social où a vécu l'artiste. On comprend combien une connaissance plus exacte des caractéristiques de l'esprit mythique voir primitif, est précieuse.
Il y a de la part de ces artistes une vraie connaissance, un vrai développement d'une géométrie rationnelle et unitaire de compréhension de l'espace échos d'une compréhension elle-même unitaire du monde.
Le changement de vision du monde, l'humanisme tel qu'on peut le concevoir est simplement une prise de conscience de la part du milieu artistique intellectuel, religieux d'une nouvelle conscience de la réalité. En effet la mise en place d'un nouvel espace coïncide naturellement avec la mise en place d'une nouvelle pensée de la réalité, les peintres ne sont pas les inventeurs d'un nouvel espace mais au contraire des accompagnateurs. En bref l'on ne peut pas concevoir de désengager la peinture de son temps si la perspective et la compréhension spatiale se développe ouvertement dans cette période ce n'est pas simplement en réponse à une demande mais en dialogue. Je veux dire par là que la mise en place d'un ordre visuel idéal, soit intellectuel mental, est la conséquence d'un changement de statut de l'artiste est la conséquence d'un changement de l'image.
Une démonstration empirique
La philosophie du XVIIe siècle est traversée par le paradigme d'une vision perspective, et par là elle répond à l'enthousiasme militant de ces peintres humanistes qui parlaient optique et philosophie et comparaient les tableaux à des « démonstrations ». Si l'histoire de la vision perspective est méconnue, sans doute est-ce d'abord parce qu'elle est déroutante et qu'elle emprunte des chemins de traverse. Elle touche à l'optique géométrique, à la physiologie oculaire, et finit par s'inscrire dans l'histoire des conceptions philosophiques de la perception. On attendrait une science anticipant l'application technique, c'est l’art de la vision qui précède sa conceptualisation géométrique et philosophique. L'idée d'une vision perspective ne sort pas tout armée de l'esprit d'un philosophe cartésien, avec la clarté la distinction requise de ce qui est vraiment évident, elle reste semblablement sur le terrain rugueux de l'arpenteur ou dans les ateliers du peintre et de l'architecte. Comme toutes les grandes découvertes qui à cette époque renouvellent la compréhension de la vision de la caméra obscura à la lunette astronomique, elle ne fut pas démontrée d'abord de façon purement rationnelle mais dans l'exhibition d'un modèle technique ou artisanal.
Nous pouvons souligner à cet instant que ce sont les panneaux de Brunelleschi qui furent peut-être les premiers anticipant un traité de perspective théorique c'est ce que les lunettes de Galilée furent à la dioptrique de Kepler ou de Descartes : une sorte de prototype artisanal.
Perspective et culture visuelle
Images perspectives informent notre culture visuelle. Le système inventé à la renaissance est devenu aujourd'hui une seconde nature perceptive les images obéissant aux mêmes principes projectifs que celui de la perspective centrale du XVe siècle, quelles que soient leurs modes de production (graphiques, photographiques), prolifèrent à l'aire de la reproductibilité technique. Au moment même cependant, où dans une rupture délibérée la peinture moderne s'affranchit de toute inscription obligée dans l'espace illusionniste de la perspective. L'image nous semble si naturellement correspondre à la perception visuelle que nous ne pensons pas qu'il y a dans cette identification une idée déterminée de la vision qui s'est peu à peu construite et dont l'émergence est obscure.
Un concept de la vision de l’ère classique
Que la peinture soit vision, ouverture de scène visible, que la vision soit « peinture » ou, pour mieux dire, « représentation » : ses idées semblent aujourd'hui aller de soi, dans une sorte d'intemporalité confortable, et en ignorant le plus souvent qu'elles nous sont parvenues au terme d'une élaboration conceptuelle qui étalait de la renaissance et de l'âge classique. Illusion de la vision perspective signifie qu'en quelque façon la représentation nous donne le sentiment de voir le tableau, comme si celui-ci s'est laissé dans sa matérialité et quand le contemplant nous avons réellement devant nous des choses visibles s'étageant en profondeur.
Dès lors que celles-ci étaient conçues comme un système purement naturel de représentation, il devenait intéressant de comprendre dans le détail les tâtonnements et les divers procédés mis en oeuvre par les peintres pour construire leur tableau perspective du monde. Leur diversité n'engageait pas de pures et simples options techniques mais témoigner de choix stylistiques et intellectuels dont le repérage apparaissait désormais essentielle à la compréhension des oeuvres.
Erwin Panofsky conteste une projection centrale comme perspective d'un privilège est humaniste. Il en connaît l'existence au moins de principe d'une procédure naturelle épousant les « impressions sensorielles immédiates » improvisant notamment la capacité du champ visuel.
L’impact de l’impression visuelle et les réorientations que vont connaitre les traités sur l’optique au XVIIIe et XIXe siècle vont laisser place à un enjeu de plus en plus subjectif de la vision du monde. La perspective géométrique propose un schéma abstrait encore à la croiser entre un monde pensé de façon théorique et examiné par l’observation. La nature devient l’environnement et la perspective géométrique ne suffit plus à le représenter. L’artiste se doit d’offrir sa vision du monde et l’art d’offrir ses pluralités. Les règles ne se bouleversent pas elles se complètent. La perspective géométrique témoignent de cette pensée où la vraisemblance est toujours perçue comme une vérité adaptée, illusoire.